On l’imaginait farouche. Peut-être même méfiante. Quand on la rencontre, elle se montre au contraire ouverte, affable et bavarde. Format maquette, Keny Arkana, 24 ans, est par contre une vraie boule d’énergie. La pasionaria rap, l’appelle-t-on. Et pour cause… Comme le laisse suggérer son accent chantant, elle grandit à Marseille, avec sa mère (elle ne connaît pas son père argentin). Cela ne se passe pas toujours bien: première fugue à 9 ans, placement en foyer à 11, avant de définitivement tailler la route un peu plus tard. Entre-temps, il y a eu la découverte du rap: NTM, Assassin… « J’ai commencé à rapper quand j’avais 12 ans, bien avant d’avoir une quelconque conscience politique. J’étais en foyer, j’avais la haine contre les juges, les flics, les éducateurs mais cela s’arrêtait là. C’était un exutoire avant de devenir un moyen d’expression. Une manière de toucher des c£urs, et plus seulement de vomir ma rage sur les gens. « La Rage, c’est le titre de son premier maxi, sorti en 2006. L’album qui a suivi, Entre ciment et belle étoile, a enfoncé un peu plus le clou d’un rap engagé. Enragé même, tendance altermondialiste, loin des attitudes bling bling du milieu. Elle a son idée, ses idées mêmes. Alors que la sauce commence à prendre, elle fait s’arracher les cheveux de sa maison de disque en refusant de jouer le jeu traditionnel de la promo. Pas de télé, ni de radio. Dans la foulée, elle annule même sa tournée. « Quand l’album est sorti, je n’avais plus de manager. Du coup, j’avais peur qu’on fasse des trucs dans mon dos. Je passais mon temps à vérifier le prix des tickets de concerts… A un moment, j’étais annoncée dans trois villes différentes pour une même date… Donc trois mois après la sortie, je les ai tous envoyés bouler, et je suis partie monter des assemblées populaires dans toute la France avec mes potes, en dormant le soir dans des squats. »

Ces assemblées populaires, on en retrouve des fragments entre les morceaux de son nouveau disque, intitulé Désobéissance, « plus un mini-album concept qu’un vrai second album ». Le thème est clair, le discours « carré », comme elle le répète régulièrement. En interview, cela peut donner des logorrhées comme celle-ci: « Je sais bien qu’on nous a appris à obéir depuis qu’on est petit; mais l’être humain est grand, il n’est pas fait pour s’aplatir devant un chef et se déresponsabiliser. C’est trop facile de se voiler la face: si les gens apprenaient à réfléchir par eux-mêmes et avoir confiance en eux, il y aurait peut-être moins de guerres et de misère. Obéir, c’est se tuer soi-même: et après ça, on se retrouve névrosé, malheureux, solitaire, égoïste. Mais merde! La vie, elle est en nous, battons-nous pour elle. C’est important de se battre contre le système, parce qu’il pue la mort: la mort de nous-mêmes, de la planète, de nos rêves, de nos libertés, de notre bonheur,… Ce système est illusoire, il est déconnecté de la réalité, on n’a pas besoin de lui… « 

C’est dit presque d’une traite, sans respirer. Mais avec passion. Et tant pis, si après ça la musique n’est ici aussi qu’un prétexte, un support pour le discours. On ne peut pas toujours tout avoir…

u Désobéissance, Because, chez Warner.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content