PIAS EST DEVENU UN MINI-EMPIREDES SONS QUI A 2 OU 3 IDÉES SUR LA RÉVOLUTION MUSICALE EN COURS. A LA CO-DIRECTION DU GROUPE, KENNY GATES EXPOSE LES PRINCIPES DE SON TOP-MODÈLE ARTISTICO-COMMERCIAL.

On connaît l’histoire: tout début des années 80, rencontre de Kenny Gates et de son comparse Michel Lambot dans le magasin de disques de ce dernier, Casablanca Moon. Quand l’échoppe achoppe, les 2 fondent Play It Again, Sam, nom emprunté à une comédie foutraque de Woody Allen. Gates et Kenny se lancent dans la distribution de disques, initialement des imports anglais. La cave se mue en bureaux près de la Gare du Midi, le business grandit avec un 3e larron et se diversifie, notamment avec la signature -en production- de quelques électroniciens à la Front 242 (1). Pias s’internationalise peu à peu -il a aujourd’hui un réseau dans 16 pays- et gagne ses galons de « grand indépendant ». Après quelques couacs comme la revente en 1999 à Edel -grosse boîte allemande- et son propre rachat en 2002, le Pias Entertainment Group se porte à hauteur de 70 à 80 millions d’euros de CA annuel. Installé dans son QG moderne d’Anderlecht, il s’occupe de disques, mais aussi d’édition, d’une « marque » de concert (Pias Nites) et même d’un récent magasin de disques. Entre autres.

La question est donc  » Trop de disques tue-t-il le disque? » N’y a-t-il pas trop de sorties et pas assez de qualité?

L’offre s’est en effet démultipliée, mais n’oublions pas que les maisons de disques ne représentent qu’un pourcentage infime de ce qui sort: il faudrait prendre en compte, par exemple, tous les groupes sur MySpace ou Facebook. Avant, un artiste électro venait me voir et si j’aimais, je pressais 1000 maxis, aujourd’hui, il va faire un deal direct avec Beatport… Avant, faire un disque supposait d’aller en studio, trouver un producteur, un distributeur, etc. Aujourd’hui, un ordinateur de 1000 euros suffit à produire et diffuser de la musique: la sélection naturelle ne se fait plus.

Peut-on poser la question de la qualité sans poser celle de la manière de consommer?

Dans notre génération ( Kenny approche la cinquantaine, ndlr), nous insistions pour être propriétaires d’un morceau: on est passé d’une mentalité de possession à une mentalité d’accès, d’où le succès de Spotify qui pratique le streaming à volonté: en version gratuite avec la pub et une qualité moindre que la version en abonnement payant. Tu écoutes le morceau, puis il s’en va. D’autres sources de revenus se dessinent.

YouTube? iTunes?

Exactement. Pour notre 1re année en digital, en 2004, cela a du nous rapporter 50 000 euros, en 2011, on en sera à 15 millions… YouTube devrait nous rapporter un million de dollars en 2011. Et le développement ne concerne pas uniquement les morceaux originaux: si un type au Mexique fait une danse marrante sur un titre de Vitalic ( artiste Pias, ndlr) qui fait le tour de la Toile, les tarifs de pub montent sur YouTube et sont répercutés dans ce qui nous est ristourné! Le marché de la musique physique a perdu 50 % en 6 ou 7 ans, nous on a limité la casse à 20 %. Parce qu’on est les meilleurs ( sic) et qu’avec les Anglais du Beggars Group, on est sans doute le seul indépendant européen qui puisse offrir un tel réseau, dans une quinzaine de pays. Enormément de boîtes ont fermé, V2 (recréé par Richard Branson) a été racheté par Universal, tout comme Sanctuary.

Vous avez récemment racheté un magasin de disques, Bilbo Records à Leuven, pourquoi?

Le magasin faisait partie du groupe Sonica jusqu’à la faillite du groupe en novembre 2009: il était aussi notre plus gros client! Le spectrum de Pias est d’être présent dans toutes les niches qui nous intéressent: on ne va sans doute jamais gagner beaucoup d’argent avec le Bilbo, mais on est légèrement bénéficiaires. C’est énervant d’entendre les gens dire que le disque physique est fini: je pense qu’il y a encore de la place pour des disquaires dans quelques villes de Belgique. Ce n’est pas pour rien que Rough Trade va ouvrir une boutique à New York! Certains parallèles sont à faire avec les années 70, ainsi on relance la vente par correspondance d’objets rares, qui sortent de l’ordinaire, comme un box set des Editors tiré à 1500 exemplaires.

On a parlé de  » modèle à 360 % » enfin, je veux dire à 360°…

( rires) 360 % me conviendrait assez! Non, je ne crois pas au 360°, qui est un mot inventé par le label Sanctuary: s’étant mis en bourse, il a voulu faire un effet d’annonce et de marketing. Mais être à la fois maison de disque et manager d’un artiste, cela ne marche pas! Tu ne peux pas être juge et partie; par contre, dans les contrats que l’on signe avec les groupes depuis une année et demie, y compris Ghinzu et dEUS (2), une clause nous octroie un pourcentage des revenus du live: il ne faut pas oublier que l’album est encore la seule déclaration artistique qui soit une « excuse » pour tourner. On expose un artiste qui devient une marque et, de cette manière, on fait vendre des tickets de concerts…

Conséquence logique, vous organisez pour la seconde fois vos Pias Nites!

C’est une marque que je veux développer partout en Europe: Pias va passer du mono-revenu au multi-revenu, ce qui suppose investir dans le répertoire propre. On signe comme des malades: dEUS, Faithless, Wu Lyf, des petits nouveaux de Manchester, sans oublier Agnès Obel. Elle est fantastique, son album est sorti en novembre et est déjà disque d’or sur 4 marchés européens, par le bouche à oreille, le charme et la magie. De temps en temps, je ne me trompe pas.

Et Kenny de se lever pour aller chercher le double disque de platine d’Agnès Obel reçu il y a quelques jours au Danemark… l

(1) LE GROUPE ET PIAS SONT EN PROCÈS DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES

(2) DEUS A SIGNÉ EN DÉCEMBRE 2010 UN CONTRAT POUR DEUX ALBUMS AVEC PIAS

PIAS NITES LES 25 ET 26 MARS À TOUR & TAXIS À BRUXELLES, WWW.PIASNITES.COM

RENCONTRE ET PHOTO PHILIPPE CORNET

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