Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

il pousse un pont plus loin la loufoquerie le temps d’un album éponyme qui désacralise définitivement la chanson française. Lard ou cochon?

Il y a 16 ans, dans un bar-concert bruxellois, on rencontre une première fois ce Français né en décembre 1968: introverti et cheveux courts, il sort un disque flirtant avec la bossa nova alors qu’on aurait plutôt flirté avec sa s£ur, rebaptisée pour l’occasion Bruno. Katerine fait un curieux garçon de Rio et le disque plonge assez vite dans l’océan de l’indifférence. En 2010, l’affaire s’est étoffée: on ne parle plus de jeune homme timide mais de vedette consacrée par les 150 000 exemplaires écoulés de l’album Robots après tout sorti en 2005. Ventes boostées par le tube Louxor j’adore et son clip de rave campagnarde mobile.  » Je suis très fier que ma musique passe aux mariages et aux baptêmes. Et ému que des couples puissent se former sur « Je mets le son… je coupe le son ».  » L’actuel album Philippe Katerine qui motive la rencontre est une entreprise de 24 morceaux à la fois niais, irritants, enfantins et désarmés. Le single La banane, hymne suprême à la fainéantise est à la hauteur de phrases telles que  » Je te pisse à la raie » adressée à la Reine d’Angleterre… Logiquement, on devrait d’emblée détester le quadra face à nous, habillé en ado attardé, coiffé à la j’en foutre, sourire de myosotis évoquant une descente d’acide. Mais non: quoi qu’un peu désarçonnant, Katerine est charmant:  » Non, je ne trouve pas le disque scatologique ou digne d’un étudiant, je dirais plutôt qu’il est symptomatique d’angoisses à réorganiser (sic) . Je travaille sur l’attraction/répulsion avec l’idée que le soleil est tellement meilleur après la pluie! J’ai fonctionné comme à l’habitude en laissant le vent s’engouffrer dans la maison: il déplace les meubles. Il est vrai que celui-ci est davantage une tempête que les précédents, légères brises faisant frémir les rideaux. » Dit comme cela, on aimerait craquer pour ces ritournelles surréalisantes évoquant de la nourriture branchouille pour parisianistes confirmés. Moment d’étonnement chez l’éternel provincial vendéen qu’est Philippe, de son vrai nom Blanchard:  » J’habite à Paris sans me sentir le moins du monde parisien, ma musique décore la vie des gens, peu importe d’où ils viennent, c’est un privilège fou de faire cela. »

Family business

Curieux personnage -l’expression est faiblarde- qui pose en couverture du disque en compagnie de ses parents, une institutrice et un vendeur d’aliments pour animaux à la retraite. Une vraie petite entreprise familiale puisque l’album embauche également sa fille de 17 ans, Eddie, et sa désormais ex-compagne, l’actrice Jeanne Balibar.  » Provoquer? Ce n’est pas du tout mon but, non. Je trouve juste que la chanson française est noyautée de bons sentiments qui sonnent faux. Je travaille sur l’incertitude, sur l’infidélité à soi-même, ce qui n’est pas une qualité très louée en ce moment. » Ce garçon  » né catholique baptisé, communié » est aussi un adepte du travestissement: récemment, il posait en Joséphine Baker pour les Inrockuptibles:  » J’ai passé une très bonne après-midi. Et puis, cela me sort de l’actuelle ambiance nauséabonde. C’est plus la France, c’est la rance. Tu vois, je ne suis pas totalement à côté de la vie. » Pas totalement…

Philippe Katerine, distribué par Universal. En concert en Belgique au printemps 2011.

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