Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Un certain sourire – Jérôme Mardaga sort enfin son nouvel album. Un troisième essai brillant, qui part du plat pays pour tutoyer les hauteurs. In the Belgian mountains…

« Mélodies démolies »

Distribué par Anorak Supersport/Bang!

Cela n’arrive pas tous les jours. Entre deux e-mails, le clavier s’est arrêté, la souris s’est immobilisée. La musique que vous venez de glisser dans l’ordinateur – cette matrix par laquelle tout passe désormais: les amis, les amours, les emmerdes – a pris les commandes. On n’en espérait pas tant. Jéronimo, nom d’apache de Jérôme Mardaga, sort son troisième album. Sur la pochette, on y voit Françoise Sagan jeune. Le disque est intitulé Mélodies Démolies, propose une douzaine de chansons et il ne faut pas trois écoutes pour savoir qu’il va compter. Il y a les albums qui vous touchent, vous surprennent, vous font simplement danser ou vous arrachent une larme. Mais combien arrivent en plus de cela à vous parler? Ce petit exploit, Mélodies Démolies y arrive sans esbroufe. Que ce soit par exemple en parlant géométrie amoureuse ( Triangle équilatéral) ou en esquissant, de manière fulgurante, en quelques mots, une histoire de braquage et d’amants maudits ( Tout sera comme avant).

MANDARINES

Il a fallu attendre. Trois ans se sont écoulés depuis 12 h 33, deuxième album du Liégeois qui aurait dû/pu connaître une suite plus rapide. Ce fut finalement moins évident que prévu. De report en nouvelles sessions d’enregistrements, Jéronimo a eu le temps de se perdre quelque fois. Après tout, il est si facile d’être compliqué. L’évidence de ces Mélodies Démolies, titre définitivement trompeur, n’en est dès lors que plus miraculeuse. L’argent c’est bien, premier single, est en effet imparable. Difficile aussi de ne pas être saisi dès Heidi, première hauteur, qui démarre le disque avec force guitares et mellotrons euphoriques. Une simple phrase y pose le décor. Il est foncièrement d’ici. La preuve:  » Je descendais à la cuisine, et au milieu des mandarines, j’ai découvert ton mot. » Pas besoin de faire de grands dessins: l’auteur du billet n’est pas le Père Noël. Ni le grand saint, même si les agrumes ne laissent planer aucun doute sur la saison et les lieux du drame.

Sur sa page MySpace, Jéronimo présente toujours son travail comme de la « chanson belge à guitare électrique ». Une chimère? Au contraire, la définition n’a peut-être jamais été aussi appropriée, l’accent belge aussi pertinent. Aujourd’hui, plus personne n’a cet accent-là? Sauf Jéronimo, quand il chante par exemple Irons-nous voir Ostende? ou Le nord le sud et le grand mur, avec ses mandolines qui descendraient l’Escaut… Ou, en fin de morceau, ce carillon-fantôme qui mime le grand carrousel, le manège qui tourne désormais fou, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit. Parler d’un pays « en voie d’évaporation », qui n’existerait plus que par défaut: ce n’est pas le moindre des actes poétiques. Curieusement, peu s’y essaie. Trop risqué? Jéronimo réussit lui la gageure, jouant sur les nuances de couleurs et de sentiments, jamais frontal.

On se rappelle avoir pris des nouvelles du bonhomme en janvier dernier. Jéronimo justifiait alors le nouveau report de Mélodies Démolies.  » Il n’y avait pas encore toutes les chansons que j’avais envie d’entendre.  » Définitivement, on a bien fait d’attendre…

www.myspace.com/jeronimojerome

Laurent Hoebrechts

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