Ysaline Parisis
Ysaline Parisis Journaliste livres

PINK LADY – DANS SON ROMAN, SIMON LIBERATI RETRACE QUELQUES HEURES DE LA VIE AZIMUTÉE DE JAYNE MANSFIELD. PARADE ROCOCO GROTESQUE OU POSTURE D’AVANT-GARDE ARTISTIQUE?

DE SIMON LIBERATI, EDITIONS GRASSET, 208 PAGES.

La scène est sublime, hollywoodienne, enveloppante, presque douce. Sur la route US 90 vers la Nouvelle-Orléans, une Buick Electra 225 bleu métallisé  » comme une piscine de démonstration » vient de s’encastrer à toute vitesse dans le châssis d’un poids lourd. A son bord, tuée sur le coup à 34 ans, Jayne Mansfield, l’actrice la plus photographiée du monde. Sous la plume de Simon Liberati, la légende prend magnifiquement son envol au rythme de la battue bleuâtre hypnotique des gyrophares. Vamp blonde prometteuse au QI dépassant les 160, pin-up cheesecake puis movie star déchue pourrie aux médocs, Jayne Mansfield vient d’offrir au « pink journalism » dont elle fut l’égérie son plus flamboyant fait divers.  » Fidèle à sa stratégie du crescendo, elle sut soutirer au diable la sortie la plus spectaculaire des années bitume, douze ans après James Dean. Ensuite, jusqu’aux princesses sanglantes (Grace et Diana), on ne parlerait plus que d’overdoses ou de meurtres.  » Le compte à rebours a commencé, et on emprunte alors doucement la pente d’une déchéance annoncée, le long de quelques heures choisies du dernier été 1967 de la playmate. Armé de photos d’époque et de beaucoup de fantasmes, Simon Liberati adopte un ton juste, à la fois sobre et évocateur, pour une tangente à la bio officielle. De son expulsion scandale d’un festival de cinéma à San Francisco pour cause de défonce avancée aux coulisses des derniers cabarets pisseux où elle se produisait, des prétentions baroques de sa vie sentimentale jusqu’à l’aire d’autoroute où elle fut aperçue pour la dernière fois, l’auteur explore, avec la fascination pour le fait divers et la minutie d’un Truman Capote, les minimes coïncidences et les folles extrapolations d’une Hollywood way of life magnétique. Le roman capte l’actrice dans ses mises en scène les plus barrées, vautrée dans les fourrures synthétiques, les peluches et les innombrables perruques (piquées aux travestis, bien avant Warhol) comme autant de substituts affectifs, sous l’influence de LaVey, un mage sataniste fan de Béla Lugosi, puis sex-symbol has been devenue « une gigantesque attraction foraine à la manière de Lola Montès. Une de ces femmes qui, ayant fini d’être belles, deviennent des monstres dans l’espoir d’entretenir l’attention.  » La belle est devenue freak, et se posera, dans la foulée, comme la cible expiatoire toute désignée d’une Amérique sixties bien pensante en lutte contre les stars populaires, la vulgarité en général et le porno en particulier.

Le rose et le noir

 » Elle avait tourné trop de navets pour accepter que la vie en devienne un.  » A son point le plus fascinant, le roman fait surtout de Jayne Mansfield l’interprète principale d’une performance qui se prenait elle-même pour matière. Repoussant sans cesse les limites d’une £uvre schizophrène au romantisme en rose et noir, et compilant dans des albums la suite ininterrompue de faits divers dont elle était l’héroïne. C’est dire si la plus célèbre des cover-girls se devait de prêter un jour ses courbes affolantes à un roman… Le livre de Liberati, définitivement à la hauteur, fera grimper l’intensité dramatique jusqu’à se clore comme il avait commencé, sur les prémisses de l’accident que l’on sait. Raccord avec le parcours d’une femme-objet qui n’aimait rien d’autre que parler d’elle-même comme d’un irrépressible crescendo… l

YSALINE PARISIS

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