Jay au carré

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le premier album de Jay Electronica est enfin sorti. Alors que plus personne n’y croyait, il réussit l’exploit de combler les folles attentes placées en lui.

C’est un disque que l’on n’attendait plus. Depuis le temps que Jay Electronica faisait miroiter la sortie de son premier véritable album, l’espoir de voir le projet se concrétiser avait fondu comme neige au soleil. Même quand le rappeur a annoncé en février l’arrivée de A Written Testimony, plus d’un a douté. La promesse a pourtant été tenue. Mieux: en un peu moins de 40 minutes, Jay Electronica réussit à faire oublier ses tergiversations, livrant une oeuvre dense et racée, l’un des albums rap les plus solides de ces derniers mois.

S’il ne dépasse jamais les attentes, le premier mérite de A Written Testimony est déjà de ne pas les décevoir. Il faut rappeler qu’elles étaient considérables. Dès le départ, Jay Electronica a en effet suscité des commentaires élogieux. En 2007, il sortait (encore sur MySpace!) une première mixtape, Act I: Eternal Sunshine (The Pledge). Long d’à peine 15 minutes, privé de beat et sans le moindre refrain, ce premier acte était directement inspiré du film de Gondry avec Kate Winslet et Jim Carrey. Malgré les nombreuses rumeurs et autres annonces (un second acte était annoncé en 2012), il n’eut cependant jamais de suite. À la place, le « nouveau Nas » sort deux singles/EP, Exhibit A et Exhibit C, en 2009, avant de se contenter de placer ses rimes chez les autres.

La pression était visiblement trop forte, paralysante même pour celui qu’on a pu présenter comme le nouveau Messie du rap. Dans l’intervalle, Kendrick Lamar est toutefois arrivé pour occuper la place. Et le temps a pu desserrer les noeuds qui bloquaient la plume du rappeur originaire de La Nouvelle-Orléans. Au début de l’année, il annonçait donc la sortie, 40 jours plus tard, d’un premier album, réalisé en 40 jours. Une référence religieuse qui n’aura échappé à personne: affilié à la Nation of Islam (dont les positions afrocentristes, faut-il le rappeler, ont souvent été taxées de communautaristes, voire de racistes et antisémites), Jay Electronica évoque régulièrement sa quête spirituelle. A Written Testimony démarre d’ailleurs par un discours de Louis Farrakhan. Surtout, comme un clin d’oeil à sa première mixtape, Jay Electronica commence en samplant une musique de film, français à nouveau: L’Armée des ombres, de Jean-Pierre Melville.

Jay au carré

Cette seule référence pourrait faire l’objet d’une dissertation entière. Le fait est que les cordes lancent parfaitement l’ambiance d’un album au classicisme maniaque. À ses côtés, Jay Electronica a emmené Travis Scott, James Blake ou The-Dream. Mais c’est surtout l'(omni)présence de Jay-Z, rappant sur huit des dix morceaux que compte le disque, qui fait des étincelles. Au point d’éclipser son hôte? Electronica semble être au-dessus de ça. La combinaison des deux Jay est celle d’un binôme parfaitement équilibré, chacun maîtrisant son sujet, généreux et investi, conscient de ses forces mais aussi de ses fragilités -appelez ça le métier. À l’image d’ A.P.I.D.T.A., méditation finale, enregistrée la nuit où est mort le basketteur Kobe Bryant, dans laquelle chacun des deux prend le temps de poser ses doutes et ses angoisses. Sublime.

Jay Electronica

« A Written Testimony »

Distribué par Roc Nation.

8

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