Depuis 20 ans, Jari Demeulemeester est le directeur de l’Ancienne Belgique. Haut lieu du rock, et plus généralement de la musique, à Bruxelles. Ses murs ont vu défiler les plus grands. Les secrets de son succès…

en 3 questions

Focus: l’AB bruxelloise a ouvert ses portes en 1931. Avec trois établissements similaires (qui ont tous disparu) à Liège, Gand et Anvers. A quoi ont ressemblé ses débuts?

Jari Demeulemeester: elle fut dans un premier temps une salle plutôt bourgeoise et francophone. L’entrée était gratuite mais la direction chargeait fameusement les consommations… L’Ancienne Belgique est devenue, grâce à la persévérance de Georges Mathonet, l’un des grands music-halls d’Europe. Avec des Brel, Piaf, Bécaud, Aznavour, Brassens, on ne pouvait rêver mieux après la guerre en termes de programmation. Au début des années 60, ont débarqué Vince Taylor, Les Chats Sauvages, Les Chaussettes Noires… Certains imaginaient déjà ces « bandits » tout casser… Rien de tout ça. Mais le paysage de la chanson a changé à jamais. Quand les Flamands ont repris l’Ancienne Belgique, ils ont conservé son nom. Par respect et ouverture d’esprit. Ils se sont aussi tournés vers la pop music.

Iggy Pop et The Hives ont tourné leur DVD à l’AB. Einsturzende Neubauten, Rachid Taha et Asian Dub Foundation y ont enregistré un album. Pourquoi chez vous?

Lorsque nous avons rénové les lieux au début des années 90, nous avons misé sur un haut niveau de technicité pour pouvoir rivaliser avec les grands théâtres européens. Les artistes qui choisissent l’AB misent sur une réputation, un savoir-faire. Mais aussi sur un état d’esprit. Un accueil franc et chaleureux. Une dimension humaine. Il y a aussi notre studio. A partir de décembre 1996, nous avons commencé à proposer un enregistrement parfait pour 500 dollars. Sans rien conserver des droits. Nous voulions soutenir la création qui disposait de lieux de répétition mais pas des moyens d’enregistrer un disque. Nous cherchions aussi à garder une trace, un souvenir de ce qui s’était passé ici. Une vingtaine de concerts ont été filmés et une cinquantaine enregistrés.

Quels défis l’AB va-t-elle devoir relever pour conserver son rang?

Vivre de la musique va devenir une exception et risque de faire exploser le marché. Dans l’Europe entière, on a discuté du statut de l’artiste. Les cachets ont augmenté. Cela coûte cher. Et en premier lieu au public. Je ne sais pas si un petit pays comme le nôtre en souffre davantage que les autres. Herman Schueremans vous dira que non. De toute façon, on ne vient pas en Belgique pour réaliser de gros bénéfices. Nous ne serons jamais aussi rémunérateurs que La Cigale à Paris par exemple. Nous avons cependant la chance d’être à la croisée des chemins. Un lieu idéal de pitstop entre Paris et Amsterdam. Pour séduire, il faut se renouveler, s’adapter. Nous avons été un moteur de rénovation dans un quartier délaissé. Avant ma retraite, j’aimerais transformer la rue des Pierres en rue des Musiques. Je rêve d’un club, d’une bibliothèque, d’un véritable projet musico-urbain.

J.B.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content