Résistant à sa manière aux tensions et tentations, Metallica sort son 1er album studio en cinq ans. Bienvenue dans le métal business.

Starlettes? Hommes d’affaires? Les membres de Metallica ne logent pas dans les mêmes hôtels. Ni d’ailleurs dans les mêmes villes. Ils se déplacent chacun de leur côté à bord de deux jets privés. Se font accompagner de leurs cuisiniers, masseurs, gardes du corps et assistants personnels. Avec leur restaurant, leur salle de yoga, d’échauffement et de massage, les loges des rois du métal font pétiller les yeux d’émerveillement ou hausser les épaules de dépit. Metallica peut employer trois équipes pour une seule tournée. Quand l’une travaille sur un show, une autre, avec un équipement identique, £uvre déjà sur le suivant. Kirk Hammett utilisant jusqu’à seize guitares par concert, faites le compte. Bienvenue dans le métal business. Quand, lors du dernier Pukkelpop, on rencontre Robert Trujillo, aussi charmant qu’imposant physiquement, on n’a même pas entendu l’ombre d’une nouvelle chanson.  » Les journalistes en France ont eu l’occasion de jeter l’oreille sur Death Magnetic et se sont montrés enthousiastes« , lance l’ancien bassiste des Suicidal Tendencies et d’Ozzy Osbourne préféré, dès 2003, entre autres à Twiggy Ramirez (ex-Marilyn Manson) pour combler le départ de Jason Newsted.

Focus: à l’autopsie, que pensez-vous de votre premier disque enregistré avec le plus grand groupe de métal au monde?

Robert Trujillo: Death Magnetic renoue avec l’énergie, l’agressivité des débuts. Il repose sur des riffs rapides, bruts, et comporte en même temps un côté plutôt groovy. Je nous comparerais à des boxeurs frappant dans le sac de sable et martelant les poires de vitesse. Ce nouvel album est à la fois un grand voyage dans le passé et une porte sur l’avenir. Je suis vraiment heureux des mélodies, de la dynamique et des paroles qui font vivre ce disque. James (Hetfield) a à nouveau la flamme. Travailler avec Rick Rubin ( Ndlr, l’homme qui a réuni Aerosmith et Run-D.M.C., produit les Red Hot Chili Peppers, Beastie Boys, AC/DC, Slayer et autre Rage Against the Machine) a fait souffler un vent de fraîcheur sur le groupe. Le thème de ce disque, le trait d’union entre les chansons, c’est la mort. Je ne pense pas qu’il s’agisse du sujet le plus positif au monde, mais nous sommes heureux de ce que nous avons accompli.

Pourquoi la mort est-elle si présente alors qu’à vous entendre ce disque incarne votre renaissance?

James a écrit toutes les paroles. Il a commencé à s’interroger sur l’autodestruction, les drogues qui rongent, en pensant notamment à des mecs comme Johnny Cash. Il s’est demandé pourquoi les artistes ont cette tendance à flirter avec le désastre. Une réflexion qui a agi comme une infusion sur la plupart des chansons. En même temps, tous les textes sont sujets à interprétation. Malheureusement, il n’est plus possible aujourd’hui de demander à Johnny Cash ce qu’il en pense…

Rubin a la réputation de ne pas se trouver en studio quand les musiciens y enregistrent. Comment s’est déroulée votre collaboration?

Elle m’a semblé fort intéressante. Il possède une équipe d’ingénieurs extraordinaire. Rick est un docteur du son. Pas un technicien. Ce n’est guère le mec qui va s’installer derrière un bureau et tourner les boutons. Ni celui qui va empoigner ta guitare et te montrer ce que tu dois en faire. Mais il est intelligent. Possède une terrible oreille. Toujours très zen, il calme le jeu quand le ton monte et les esprits s’échauffent. C’est lui qui a suggéré pacifiquement à James et Lars (Ulrich) de se reconnecter avec le passé. Avec les années Master of Puppets que Metallica fuyait avec obstination. Il a aussi convaincu James de bouffer le micro. Ce qui n’était pas une mince affaire.

Est-ce ce retour aux sources que vous attendiez en rejoignant le groupe?

Je suis un fan de la première heure. Et je suis passé à côté des Load et autre ReLoad. Essentiellement parce que j’étais extrêmement occupé avec mes projets de l’époque. Lorsque j’ai posé ma candidature, je pensais Master of puppets… And Justice for all. Heureusement, quand je suis arrivé, le groupe était prêt à s’en rapprocher. A tout le moins sur scène. Je ne sais pas comment j’aurais réagi si les gars n’avaient rien voulu entendre. A mes yeux, Metallica représente un son. Comme Iron Maiden.

Quel regard jetez-vous sur Metallica vu ce que vous avez vécu auparavant dans votre carrière?

Metallica est une machine. Lars est intelligent, dévoué à l’art de la musique. Il a aussi donné beaucoup de lui-même pour construire un groupe énorme. Il a le sens du business. Metallica ne serait pas ce qu’il est sans lui. Avec James Hetfield, il constitue la meilleure équipe d’arrangeurs du rock. Les concerts de Metallica sont par ailleurs très physiques. Tu ne peux pas monter sur scène sans être préparé. Après une prestation, tu as mal au cou, au dos, aux jambes. Quand il fait chaud, tu as même les doigts en compote. Mais quand tu as un James Hetfield qui te hurle comme un dragon dans l’oreille, ça te donne la gnac. Avec Metallica, la presse, les sessions photos, les interviews sont aussi beaucoup plus nombreuses. Alors oui, on dort dans des hôtels de luxe, on voyage dans des jets privés, mais il vaut mieux parce que le lendemain t’as intérêt à te bouger le cul et à assurer.

Album: Death Magnetic, chez Universal. www.metallica.com

Interview Julien Broquet

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