Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

POMPIDOU-METZ CONSACRE UNE RÉTROSPECTIVE À TANIA MOURAUD. AMORCÉ DANS LES MURS DE L’INSTITUTION, L’HOMMAGE SE POURSUIVRA EN CONTEXTE URBAIN.

Tania Mouraud. Une rétrospective

CENTRE POMPIDOU-METZ, 1, PARVIS DES DROITS DE L’HOMME, À 57 020 METZ. JUSQU’AU 05/10.

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Alors que l’exposition monumentale qui lui a été dédiée au MAC/VAL -le Musée d’art contemporain du Val-de-Marne- se retire des consciences sur la pointe des pieds, Tania Mouraud remet le couvert à la faveur d’une rétrospective au Centre Pompidou-Metz. Il faut dire que l’événement du MAC/VAL avait fait couler pas mal d’encre en raison de la force du propos. Au centre de celui-ci, une installation audiovisuelle qui a retourné plus d’un spectateur, Ad Nauseam. On y voyait des livres broyés à la pelle sous le poids d’un implacable bras mécanique. Le message? Il est d’une clarté absolue et se situe au centre du propos de Mouraud: ne nous laissons pas déposséder de nous-mêmes. Soit une parfaite illustration du danger, toujours fécond, sans cesse renouvelé, de la destruction du vivant par le vivant. La violence des images est inouïe mais étrangement l’oeil l’apprivoise, un peu à la manière des renoncements quotidiens auxquels nous nous plions tous, du grignotage de l’intime sous la puissance des réseaux sociaux à la désignation de moins en moins tacite d’un bouc émissaire pour laver les péchés du système. « A partir du moment où l’on supprime l’humain, ça se termine dans le carnage, c’est le carnage de la pensée… Les dictatures s’attaquent toujours au livre, c’est la destruction par l’homme de sa propre histoire« , confiait-elle pour illustrer cette oeuvre bouleversante coproduite par l’Ircam (Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique) dans le cadre d’une résidence de l’artiste entre 2013 et 2014. « Dictature » étant ici à entendre au sens large: un vaste mouvement qui s’étend de la finance au spectacle. Contre cela, Tania Mouraud prône le réveil citoyen, raison pour laquelle les murs de l’institution (le côté pile de l’exposition) étaient tapissés d’appels au sursaut stylisés, à savoir le fameux I Have a Dream de Martin Luther King, injonction à se réapproprier son existence sans tarder.

Ne plus peindre

Ad Nauseam fait bien partie du parcours de la rétrospective qui s’étend sur plus de 1100 mètres carrés. Mais ici, cette installation s’enrichit des multiples voies dans lesquelles s’est engouffrée cette artiste pluridisciplinaire française née en 1942. Peinture, installation, photographie, performance, vidéo, son…: autant de chemins empruntés. Empruntés et parfois rapidement abandonnés -ainsi de la pratique de la peinture, à laquelle elle met fin en 1968 par un autodafé. En lieu et place de la toile, une tentative plus vaste de coloniser l’habitation privée: Tania Mouraud imagine des chambres de méditation et des espaces d’initiation qu’elle se propose de greffer aux appartements standardisés des années 60-70. « Un supplément d’espace pour un supplément d’âme« , résume à l’époque Pierre Restany. La suite? Une tentative de synthétiser art et philosophie pour « nous faire progresser sur le chemin de la connaissance« , notamment à travers une réflexion sur les mots comme outils et formes matérialisant la pensée. Sans oublier, plus tardivement, son travail sur les signes et symboles de la société pour commémorer des événements épouvantables et en célébrer les héros paradoxaux. Dès la fin juin, cette puissante exposition résonnera également en extérieur, pour un côté face décliné à travers l’espace urbain ainsi que plusieurs hauts lieux de la ville de Metz.

WWW.CENTREPOMPIDOU-METZ.FR

MICHEL VERLINDEN

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