Impressions de Kubrick

Le portrait sensible du cinéaste que signait en 2000 Michael Herr, l’auteur de Putain de mort et du scénario de Full Metal Jacket, paraît en français. Un must.

Des ouvrages sur Stanley Kubrick, il y en a d’innombrables, exégèses, biographies, livres d’entretiens et autres qui, d’une façon ou d’une autre, se sont essayés à percer le secret entourant le génial réalisateur de 2001, déflorant et entretenant sa légende dans un même mouvement . À la différence de la plupart, C’était Kubrick, publié pour la première fois aux États-Unis en 2000, un an après la mort du cinéaste-démiurge, a été écrit par un proche, Michael Herr. Lequel, non content de signer un portrait à hauteur d’homme, s’emploie à démonter divers clichés, à commencer par la vie de reclus volontiers prêtée à un Kubrick qu’il décrit comme « l’une des personnes les plus sociables que j’aie connues, et que l’essentiel de ses interactions passât par le téléphone n’y changeait rien ».

Dans le blizzard

L’amitié qui devait lier Michael Herr (1940-2016) au réalisateur de Lolita remonte à 1980. Grand reporter, le premier avait livré avec Putain de mort (paru en 1977 aux États-Unis sous le titre Dispatches) ce qui reste sans doute l’ouvrage définitif sur la guerre du Viêtnam, en plus de constituer l’un des sommets du journalisme gonzo. Quelques mois plus tard, Francis Ford Coppola faisait appel à lui pour écrire la voix off d’ Apocalypse Now. Quant à Kubrick, s’il lui confiera avoir voulu le rencontrer parce qu’il avait aimé le livre, il n’en précisera pas moins aussitôt n’avoir aucunement l’intention d’en tirer un film. Leur relation n’en sera que plus riche; quant à l’opportunité de faire un film de guerre, elle se matérialisera plus tard, lorsque le cinéaste découvrira Le Merdier, de Gustav Hasford, et demandera à Michael Herr d’écrire le scénario de ce qui deviendra Full Metal Jacket. « Je compris alors que j’avais commencé à travailler pour Stanley à la minute même où je l’avais rencontré », écrit ce dernier.

Impressions de Kubrick

Leurs échanges lui inspirent un portrait éclaté et contrasté, débordant largement de leurs séances de travail pour embrasser une période allant de la jeunesse new-yorkaise de hipster du réalisateur à l’accueil réservé à Eyes Wide Shut, dont Herr livre une analyse brillante. De Kubrick, l’auteur épingle encore la « pingrerie proverbiale », pas étrangère d’ailleurs à son refus de « toiletter » le scénario de son film posthume, mais aussi -inévitablement- le côté obsessionnel, dont les exemples abondent. Le soin porté au moindre détail (à l’oeuvre notamment quand il s’agit de faire de Beckton, près de Londres, un Hué sur Tamise pour les besoins de Full Metal Jacket) et le souci constant de perfection – « le grand sujet de Stanley ». Sans même parler d’un esprit toujours en effervescence: « Il fallait vraiment s’accrocher pour ça, il y avait de quoi se sentir comme un pauvre voyageur pris au piège dans le blizzard ». Sentiment grisant pour le coup…

C’était Kubrick

De Michael Herr, éditions Séguier, traduit de l’anglais (États-Unis) par Erwann Lameignère, 112 pages.

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