Qu’il est amusant de se déguiser. De se faire passer pour un autre. Ou de faire gober n’importe quoi. Toujours?

L’imposture assumée, ça donne de bonnes farces.  » Haha, raté, c’est pas moi, c’est ma jumelle! » Ou encore:  » Gros bêta, c’était pour rire, je n’ai pas l’hépatite B! » La mystification, en général, c’est drôle. On a ri, en tout cas, devant la déconfiture de ce seul vrai candidat de la téléréalité française  » Gloire et fortune » perdu au milieu de comédiens. Parfois aussi, le canular fait peur: le 13 décembre 2006, les rédactions de nos canards sont assaillies de coups de fils. Panique à bord. La RTBF avait diffusé sur son antenne, à une heure de grande écoute, l’explosion du pays. L’équilibre était précaire, tout le monde ou presque avait cru à la sécession flamande. Des anciens qui avaient vécu la guerre, l’occupation, pleuraient la paix et l’unité.

Bonne blague! Non: bonne conscientisation en employant des codes inhabituel, dit l’audio- visuel public. Mais qui sème le vent récolte la tempête. L’imposture, même assumée, ne peut toujours se faire impunément. Dans ce cas-ci: les Flamands n’ont pas apprécié la caricature, qui a certainement tendu encore davantage les rapports communautaires. Et la prophétie s’est presque révélée auto-réalisatrice.

Des séquelles aussi, pour Patrick Sébastien. Présent le 20 mars dernier sur la Une, pour la diffusion de son docu La double vie de Joseph Lubsky (à voir aussi sur France 2 le vendredi 28). Un film sur son expérience la plus poussée de déguisement.

SE PERDRE DANS L’AUTRE

Pour que les critiques lisent son roman La cellule de Zarkane, l’homme de télé s’est inventé un pseudo. Et tant qu’à faire, le personnage qui va avec. Son passé, ses douleurs. Sébastien s’est quelque peu perdu dans Lubsky. Crâne rasé, joues balafrées et dos voûté, il a rencontré des journalistes conquis par le roman, qui lui donnaient du  » Vous » et du  » Monsieur« . Qui lui confiaient avoir pleuré, avoir appris des choses sur leur propre vie… Sébastien le beauf, Sébastien qui fait tourner les serviettes, devenait quelqu’un de respectable en Lubsky.

Puis Lubsky a fait une télé, chez Ruquier. A appris que les critiques littéraires valaient parfois peau de balle (Polac prétendait le bouquin mauvais… mais ne l’avait pas lu). A bien dupé son monde. Et le lendemain, Internet dévoilait la farce. Pourtant, l’animateur a continué à dormir dans la cave dans laquelle il s’était enfermé pour  » prendre le regard du taulard » qu’il était censé être. Il raconte aujourd’hui qu’il a frôlé la folie. L’expérience fait froid dans le dos.

Comme celle de Monique De Wael, jadis Misha Defonseca, qui n’a pas plus vécu avec les loups que vous et moi, quoi qu’en disent le bouquin et le film sur son histoire. Aujourd’hui mise à nu en public, elle doit se rhabiller avec des pans de sa vraie existence. Mais quelle est-elle, puisque depuis toujours cousue de mensonge? L’imposture, sous toutes ses formes, est plus que jamais sous les feux des projecteurs. Et elle sue la tristesse et les désillusions.

LA CHRONIQUE DE MYRIAM LEROY

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