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DE GEORGES HUERCANO.

Ne pas se fier à un titre évoquant une énième déclinaison de ces histoires d’esprits dont les cinémas asiatique et américain raffolent. Le principe de ce documentaire tenant à un suivi rigoureux du quotidien de trois médecins légistes opérant respectivement dans les zones de Bruxelles/Nivelles, Charleroi/Namur et Liège. Georges Huercano, alors en plein montage, nous expliquait ainsi:  » Les légistes sont en quelque sorte les témoins des derniers instants de ces personnes qui ne pourront plus parler ou témoigner. Ils vont à ce titre être amenés à les représenter auprès de la justice ou de leur famille. Ce qui est fascinant, c’est la manière dont ils parviennent à instaurer une sorte de dialogue avec ces morts pour leur faire dire ce qu’ils ont vécu avant de trépasser. » Une forme de maïeutique appliquée aux cadavres, en somme. Aux résultats étonnants: « Dans huit cas sur dix ils parviennent à résoudre « l’énigme » qui se pose à eux sur les lieux mêmes de la scène. »

ÉTANCHES

Plutôt que cette « romantisation » des pratiques médico-légales ayant cours dans bon nombre de séries télévisées contemporaines, c’est l’aspect didactique, une volonté d’éclairage sur les méthodes réellement déployées, qui semblent avoir présidé à un tournage pour le moins singulier. « On a d’abord mis un certain temps à convaincre les légistes puis à négocier avec les différents parquets pour qu’on nous laisse filmer sur des scènes de crimes ou d’accidents. Le tournage proprement dit étant tout à fait dépendant des événements. On avait ainsi des jours de garde, si l’on peut dire, durant lesquels il était convenu avec les légistes qu’ils nous appellent quand ils recevaient un coup de fil du parquet. On arrivait donc sur les lieux avec eux et on découvrait les choses vraiment en même temps qu’eux. Avec, parfois, des surprises à la clé… » Des surprises, on s’en doute, souvent peu ragoûtantes. Appelés lors de morts suspectes ou quand les causes de celles-ci sont incertaines, les légistes sont sans cesse confrontés à des cas de figure révélateurs du côté le plus sombre de la société d’aujourd’hui, côtoyant ainsi au quotidien, en plus du spectre de la mort, celui de la solitude, du désespoir, de la folie, de la misère humaine ou encore de l’horreur. D’où la nécessité de se blinder, sous peine de se laisser submerger par les affects. Ce que l’un des médecins suivis résumera ainsi:  » On marche bien souvent dans la boue de la société, et il s’agit que nos bottes soient bien étanches. »

Nicolas Clément

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