Vincent Genot
Vincent Genot Rédacteur en chef adjoint Newsroom

De Chloé Cruchaudet, Éditions Delcourt.

Avec les aventures rocambolesques d’Ida Von Erkentrud, Chloé Cruchaudet emboîte le pas à Alphonse Daudet et son Tartarin de Tarascon lâché sur les chemins de l’Afrique. Moins truculente que le fanfaron méridional, Ida est une vieille fille acariâtre qui semble ne jamais avoir mis le pied hors de sa demeure. La voir traverser l’Afrique en corset et robe à baleines paraît donc pour le moins irréel. A la limite, elle est même une aberration dans son époque (la fin du XIXe) où les aspirations des femmes comptaient pour roupie de sansonnet.  » Je trouve qu’il y a peu de personnages féminins vraiment consistants dans la BD, se défend Chloé Cruchaudet. J’ai donc voulu créer une héroïne qui avait suffisamment de caractère pour porter le récit. Je ne voulais pas d’un personnage héroïque et lisse. Elle est autoritaire, pénible et hypocondriaque. Bref, très victorienne. Mais elle a décidé de donner un but à sa vie. Elle a le courage de laisser tomber le confort de son quotidien pour partir à la rencontre des autres. »

Catalogue africain

Une soif de rencontre qui prend la forme d’une épopée dans un continent africain magnifié. Les paysages d’ Alice au Pays des merveilles y côtoient des panoramas dignes de l’Inde de Kipling quand ce ne sont pas des lieux que l’on jurerait sortis de la bouche de Shéhérazade. Déconcertant.  » Je déteste l’avion, grimace Chloé. Mon incursion en Afrique n’a jamais dépassé le Maroc. J’ai donc travaillé à partir de documents d’époque comme le catalogue de l’Exposition universelle, des journaux intimes de voyageurs, des livres d’histoire sur les colonies et des romans comme Au c£ur des ténèbres de Joseph Conrad ou L’Afrique fantôme de Michel Leiris.  »

Très détaillé dans certaines planches, le dessin se fait parfois moins précis, plus onirique. Comme si la dessinatrice hésitait entre la BD historique et le conte.  » Comme lectrice, j’aime être surprise. Les ruptures dans le style du dessin sont là pour réveiller le lecteur. Il faut aussi pouvoir changer d’ambiance. C’est particulièrement vrai dans la scène où Ida délire à cause de la fièvre. Il faut profiter de ce genre de moments pour se laisser aller et essayer des choses.  » Cette liberté de ton, absente du précédent ouvrage, plus classique, est-elle la conséquence du Prix René Goscinny ( destiné à aider et encourager un jeune scénariste ayant publié moins de 3 albums, ndlr) obtenu au dernier festival d’Angoulême?  » Je ne pense pas, même si je ne nie pas que ce type de récompense renforce la confiance en soi. C’est également un bon atout pour proposer un nouveau projet à un éditeur. Et je ne parle même pas des ouvertures que cela vous donne dans les cocktails mondains… J’ai pu côtoyer Blutch à moins de 2 mètres 50, rigole Chloé. Plus sérieusement, les 5000 euros qui accompagnent le prix, ça permet surtout de rajouter du beurre dans les épinards. »

Vincent Genot

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