ÂGÉS DE 16 À 18 ANS, QUATRE GAMINS IRLANDAISDÉPOUSSIÈRENT LE ROCK À PAPA ET DÉCLARENT LEUR FLAMME AU BRITISH RHYTHM AND BLUES AINSI QU’AU PUB ROCK DE DR. FEELGOOD.

 » Ces mecs ont à 16 ans une connaissance du R&B et du blues dont je n’ai pu me targuer qu’à 65 balais. Ils en savent autant que moi et probablement que Mick (Jagger, ndlr) et Rod (Stewart, ndlr) sur le sujet et jouent de la musique comme le faisaient les Rolling Stones, les Yardbirds et les Beatles. C’est étonnant de trouver des gamins de cet âge qui veulent jouer un rock pareil. La plupart des gosses aujourd’hui rêvent juste de devenir Justin Bieber. » Le compliment vient de sir Elton John qui après les avoir vus en concert à Brighton (« on pensait qu’il s’agissait d’un sosie« , avoueront-ils) les a fait signer sur sa boîte de management Rocket Music.

Tirés à quatre épingles, les Strypes le disent eux-mêmes: ils sont l’antithèse de la musique d’aujourd’hui. Entre deux concerts au festival de découvertes Eurosonic, les Irlandais bravent les éléments et slaloment avec le sourire entre les flaques pour venir tailler le bout de gras. Bien plus causants et affables que les Arctic Monkeys au même âge (pour lesquels ils ouvraient à Forest National en novembre dernier), ils sont déjà adoubés de l’autre côté de La Manche. Les plus grandes gloires du rock britannique, de Roger Daltrey à Paul Weller en passant par Noel Gallagher, ont clamé leur admiration pour les quatre petits prodiges de l’Ulster.

« Jeff Beck est le premier de nos héros que nous avons repérés dans le public, racontent-ils d’une voix. C’était en septembre 2012, à Londres, au Ronnie Scott. Et c’était génial. Il est venu nous parler après. Un mec charmant. D’autres grandes personnalités du rock ont suivi. Mais ils ne nous ont pas particulièrement donné de conseils. C’était plutôt des conversations de fin de concert.  »

Les Strypes s’en sortent très bien comme ça. Merci pour eux. « On a toujours baigné dans la musique et joué d’un instrument, raconte le batteur Evan Walsh qui se défoule sur des fûts depuis l’âge de trois ans. Ce n’est pas si remarquable que ça. Beaucoup de gosses tâtent d’un instrument à un très jeune âge. Mais vers treize piges, au début de l’adolescence, quand on répétait ensemble dans ma chambre, on s’est mis à écouter la musique autrement. On a passé beaucoup de temps sur le rhythm and blues anglais. Dr. Feelgood, les débuts des Stones, les Animals, les Yardbirds… Après, on est remontés aux vieux bluesmen et rockeurs: Chuck Berry, Bo Diddley, Howlin’ Wolf, Jerry Lee Lewis… Avant de tomber dans le punk et le garage. New York Dolls, Johnny Thunders, Ramones…  »

A chaque énumération d’influences, les Strypes attrapent le flow mitraillette d’un Alex Turner. « A l’école, tous nos potes consommaient la musique de manière digitale. Nous, on collectionne les vinyles mais on n’est pas non plus des snobs. On écoute des chansons sur YouTube comme tout le monde. »

Sans excès

La première fois où Josh McClorey (guitare), Pete O’Hanlon (basse) et Evan Walsh sont montés sur scène ensemble, c’était il y a six ans maintenant. Avec des amis lors d’un concert de Noël dans une école primaire. « On n’attendait rien du tout de la musique, se rappelle Evan. On ne s’imaginait en tout cas pas en faire notre vie. C’était juste un truc pour s’amuser quand on n’avait pas cours. »

Comme un ami de son père possède un petit studio à la maison, les trois garnements et leur chanteur Ross Farrelly, lunettes à la Roy Orbison, enregistrent pour s’amuser un EP de reprises. Revisitent les bluesmen Slim Harpo et Billy Boy Arnold, un titre du soulman Eddie Holland et un dernier popularisé par Bo Diddley. Sorti par leurs propres soins sur iTunes, Young, Gifted and Blue file tout droit en tête des charts de blues. Les gamins de Cavan se disent que tous leurs potes l’ont acheté et qu’ils disparaîtront de la circulation le lendemain. Personne ne les détrônera avant six semaines. « On a dès lors attiré l’attention de plusieurs maisons de disques comme Universal Irlande. »

Taillés pour Classic 21, les Strypes ont bossé sur Snapshot, leur premier disque, avec Chris Thomas. Véritable légende du rock britannique qui a entamé sa carrière sur l’album blanc des Beatles pendant que leur producteur habituel, George Martin, se la coulait douce en vacances, Thomas a collaboré avec Pink Floyd (The Dark Side of The Moon), Roxy Music (For Your Pleasure, Siren), les Sex Pistols (Never Mind The Bollocks), John Cale (Paris 1919) ou encore Pulp (Different Class, This is Hardcore)…

Loin du cliché sex, drugs and rock’n’roll, et de cette idée de vieux con que plus rien ne passionne les jeunes d’aujourd’hui, les Strypes, qui ont arrêté l’école, semblent plutôt curieux et cultivés. Ils s’intéressent au cinéma, à la littérature. « Aux classiques mais aussi aux livres sur la musique. Pour l’instant, je suis dans Ska’d For Life. A Personal Journey With The Specials » Le père d’Evan, dont ils ont usé la collection de disques, les accompagne sur les routes… Ça aide à prévenir les débordements. « Comment je me sens face à mon paternel dans les backstages quand les filles débarquent nous voir après les concerts? Elles viennent pour lui, rigole le fiston. Il est presque autant un membre du groupe que nous. Il est impliqué depuis le début dans le processus créatif. Ce serait con de se sentir embarrassé. »

Au final, les Strypes ne comprennent pas qu’on s’étonne de leur jeune âge. « Un tas de groupes qu’on aime (Jam, Undertones) ont commencé très tôt. » Ni qu’on puisse les snober pour cause de revivalisme. « Les Black Keys et Jack White puisent abondamment dans le blues, non? Ça semble en embêter certains qu’on fasse du rock d’une autre époque mais quand tu dis que tu es influencé par les Smiths, tout est parfait. C’est pourtant du pareil au même. Eux aussi faisaient de la musique avant qu’on soit nés. »

SNAPSHOT, DISTRIBUÉ PAR VIRGIN/EMI.

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LE 22/04 AU BOTANIQUE (COMPLET), LE 23/04 AU GRAND MIX (TOURCOING) ET LE 04/07 À ROCK WERCHTER (COMPLET).

TEXTE Julien Broquet, À Groningen

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