Horreur et ironie

NICOLAS WINDING REFN S’AVENTURE SUR LE TERRAIN DE L’HORREUR LÉCHÉE TANDIS QUE WHIT STILLMAN RAFRAÎCHIT JOLIMENT L’oeUVRE DE JANE AUSTEN.

The Neon Demon (1)

DE NICOLAS WINDING REFN. AVEC ELLE FANNING, JENA MALONE, KARL GLUSMAN. 1 H 57. DIST: TWIN PICS. (1)

8 (1)

Love & Friendship (2)

DE WHIT STILLMAN. AVEC KATE BECKINSALE, CHLOË SEVIGNY, XAVIER SAMUEL. 1 H 30. DIST: TWIN PICS. (2)

7 (2)

Entre The Neon Demon, où Nicolas Winding Refn vampirise le milieu de la mode, et Love and Friendship, où Whit Stillman endosse l’héritage de Jane Austen, le lien est en apparence ténu. On retrouve pourtant, impliqués à des titres divers dans ces deux films, Amazon Studios, émanation de Amazon.com qui en avait acquis les droits de distribution américains en salles et en VOD, confirmant là son investissement dans le cinéma indépendant. Ce n’est pas Jim Jarmusch qui démentira, dont l’épatant Paterson a été produit avec son concours, au même titre, parmi d’autres, que les prochains opus de Todd Haynes (Wonderstruck), Luca Guadagnino (un remake de Suspiria) ou Woody Allen. Autant dire qu’à l’heure où Netflix acquiert pour sa part les droits de distribution de Divines (lire page 34), il y a là un secteur en (r)évolution permanente…

« Je veux faire un film d’horreur avec beaucoup de sang et des talons aiguilles », aurait « pitché » Nicolas Winding Refn à Christina Hendricks, à qui il présentait son prochain film. Et c’est bien de cela qu’il est question dans The Neon Demon, trip fascinant arpentant l’univers des shootings et autres catwalks sur les pas de Jesse (Elle Fanning), ingénue débarquée à Los Angeles pour y devenir mannequin; une jeune femme dont la réussite fulgurante et la pure beauté auront le don de déchaîner la jalousie vorace de rivales siliconées. L’obsession de la beauté est au coeur d’un film déployant, conséquent, son esthétique fétichiste dans un luxe de couleurs flashy et de plans aussi léchés que glacés, ballet clinquant orchestré au son de la bande-son électro de Cliff Martinez. Soit un exercice de style un peu vain sans doute, mais formellement époustouflant, la griffe de NWR faisant de ce conte cruel mieux qu’un film de genre gonflé, une expérience sensorielle ensorcelante. Bref retour sur la musique, et commentaire audio du réalisateur et d’Elle Fanning en bonus.

On quitte cet univers de néon pour celui, plus feutré, de Jane Austen à la faveur de Love and Friendship, dernier film en date du trop rare Whit Stillman. Adaptant le roman épistolaire Lady Susan, le cinéaste américain signe une comédie de moeurs piquante, appliquant l’ironie qui présidait à ses films new-yorkais à l’Angleterre de la fin du XVIIIe siècle. Et de chorégraphier avec allant les manoeuvres de Lady Susan Vernon, veuve désargentée doublée d’une séductrice à la réputation sulfureuse, venue semer le trouble dans la bonne société britannique avec la complicité d’Alicia Johnson, une amie américaine. S’ensuit un film élégant et spirituel, où Kate Beckinsale et Chloë Sévigny, le tandem reformé de The Last Days of Disco, font des étincelles, délectables et irrésistibles manipulatrices. Court making of et interview du réalisateur en complément.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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