Page noire de l’histoire du cinéma américain, le maccarthysme a ciblé les « rouges » ou supposés tels. Un programme à la Cinematek revient sur ces années de honte et de suspicion.

« Appartenez-vous, ou avez-vous appartenu, au parti communiste? » Cette interrogation, beaucoup de réalisateurs, de scénaristes, d’acteurs et de producteurs l’ont entendue à la fin des années 40 et au début des années 50, lors de leur passage devant la Commission sur les activités anti-américaines du parlement de Washington. Y répondre par l’affirmative relevait du suicide professionnel. Y réagir par la négative entraînait souvent une incitation à dénoncer d’autres membres de la communauté cinématographique qui, eux, auraient pu être « rouges ». Et refuser de répondre en brandissant le droit constitutionnel de penser librement pouvait servir de prétexte à une condamnation pour outrage…

C’était bien sûr le temps de la guerre froide, et d’une suspicion visant toute influence communiste dans l’administration. Une fois mise en marche dans le cadre du HUAC (House Un-American Activities Committee), la volonté politique d’épuration, destinée d’abord aux fonctionnaires, s’étendit bientôt à l’industrie du cinéma. Dans la paranoïa ambiante, cette dernière pouvait faire figure de cible, tant était supposément grande son influence sur le public. Une influence que des « subversifs », voire des « révolutionnaires », ne manqueraient pas d’exploiter en teintant leurs films d’idées gauchisantes… Le sénateur Joseph McCarthy se fit le principal animateur de la machine à repérer les « rouges » et à les mettre hors d’état de nuire.

La chasse aux sorcières communistes dura jusqu’en 1953, l’année suivante voyant la chute de McCarthy et le retour progressif des bannis. Ainsi s’éteignit ce qu’Albert Einstein avait décrit comme  » un danger incomparablement plus grand pour notre société que ces quelques communistes qui peuvent être dans notre pays. » Mais le souvenir des auditions humiliantes, des lâches dénonciations, des quelques condamnations pénales et de la liste noire excluant certains de tout emploi dans l’industrie cinématographique, allait rester comme une tache sur le drapeau de la démocratie américaine.

Dans son programme des mois de mai et juin, la Cinematek nous rappelle utilement l’époque maccarthyste à travers une importante rétrospective. On y verra des films dont l’idéologie (pacifiste comme All Quiet On The Western Front, sociale comme les thrillers à contenu Crossfire et Force Of Evil) fit des cibles pour les tenants de l’épuration. On y retrouvera aussi des £uvres écrites, réalisées ou jouées par des « suspects » de premier rang comme Dalton Trumbo, Jules Dassin ou John Garfield. Place y sera encore faite à des films produits bien après, mais qui abordent le sujet avec force, tels The Front de Martin Ritt (avec Woody Allen en prête-nom d’une victime de la liste noire) ou Good Night And Good Luck de George Clooney (chronique de la lutte d’un journaliste de télé contre McCarthy). Les programmateurs ont eu l’excellente idée de proposer simultanément un vaste et passionnant cycle de films d’Elia Kazan. Le grand cinéaste dont l’image fut à jamais altérée par son acceptation de collaborer avec l’inquisition maccarthyste…

Texte Louis Danvers

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