Avec Like A Hobo, Charlie Winston squatte les ondes radio. Rencontre avec celui paré pour devenir un des phénomènes de l’année.

Qu’est-ce qui fait que les choses s’accélèrent d’un seul coup? La chance? La bonne rencontre? Le bon plan promo? Encore inconnu il y a quelques semaines, l’Anglais Charlie Winston est aujourd’hui à peu près partout. Jolie gueule, voix attachante, il vient de sortir Hobo, premier album qui croise folk et soul sous une brise tiède. Le genre de disqueaccueillant, susceptible de plaire au plus grand nombre, tout en ne laissant planer aucun doute sur sa sincérité.

Certes, il y a bien ce gimmick du hobo, personnage typiquement américain du vagabond ( lire plus loin), repris ici de manière un peu trop lisse pour être vraie. Winston est d’ailleurs le premier à le dégoupiller. Ou au moins à le relativiser. « La figure du hobo est là comme une métaphore pour une certaine manière d’appréhender la vie. Je n’ai jamais aimé l’idée d’avoir trop de possessions. A la fin, le risque est que ce sont ces mêmes objets qui vous possèdent. Or, on vous pousse vraiment vers ça. Votre réussite se mesure souvent à ce que vous avez accumulé. Le hobo, lui, est libre par rapport à ça. C’est un peu ce que je chante dans Every Steps , quand je dis: ‘le succès est un état d’esprit que tu choisis’. Mais au-delà, je sais aussi très bien que les vrais hobos avaient une vie difficile, souvent merdique. » Le bonhomme avoue d’ailleurs ne jamais avoir lu Kerouac. Sur la table traîne par contre le livre que Solomon Volkov a consacré aux liens entre le compositeur Chostakovitch et Staline. Juste avant, Charlie Wins-ton explique s’être plongé dans Nietzsche, et Ainsi parlait Zarathoustra. « Nietzsche explique bien par exemple comment ce qui est sacré dans une culture peut passer pour l’£uvre du diable dans une autre. On part souvent de la même chose, pour en donner deux visions différentes. C’est pour cela que j’aime croiser d’autres cultures. Je viens de m’installer à Paris et j’apprends beaucoup sur les Français. En particulier sur l’arrogance parisienne. Je veux aussi pouvoir apprécier ça. Comme cette amie dont le père est anglais et la mère française: quand elle passe un peu de temps à Londres, la tension de Paris lui manque. Je comprends… Plus largement, c’est le problème avec cette approche hollywoodienne des choses. Cette manière de tout emballer avec du strass et des paillettes envahit toutes les cultures. Cela donne l’impression que les choses ne sont belles que quand elles sont mignonnes et jolies. Mais regardez la nature: une rose ne serait pas aussi parfaite sans ses épines. C’est le contraste qui donne sa personnalité. »

Le livre de l’intranquillité

Charlie Winston – un pseudo – a grandi dans le Suffolk (Est de l’Angleterre). Après l’université, il a pas mal bourlingué, voyagé notamment en Inde, composé pour des courts métrages, des pièces de théâtre, de danse contemporaine (à Bruxelles, entre autres)… pour ensuite revenir au format chanson. « Avant de tenir leur hôtel, mes parents étaient des chanteurs de folk. J’ai donc grandi avec des chansons. J’ai très vite compris leur pouvoir, leur capacité à communiquer des choses aux gens. Quand je suivais les cours de piano jazz au collège, les mots me manquaient. C’est pour cela aussi que j’ai commencé la guitare. Quand vous composez au piano, tout devient vite très technique. C’est difficile de se contenter d’accords simples. «  Revenu à la guitare, Winston commence donc à composer, en même temps qu’il accompagne son frère Tom Baxter, dont la carrière décolle. Sa reprise de I’m A Man, du Spencer Davis Group, sert de bande-son à une pub pour une marque automobile allemande. Au passage, il rencontre également Peter Gabriel, à qui il laisse ses démos. C’est comme ça que Charlie Winston enregis-trera un premier album, autoproduit, pour Real World, le label du maître. L’étape suivante, ce sera la rencontre avec Marc Thonon, patron du label Atmosphériques, qui reprend le projet et le recadre.

Generation Spent, par exemple, est un de ces titres que Charlie Wins-ton joue depuis 2007. On y trouve notamment cette phrase:  » Socialize is to compromize myself  » ( » socialiser, c’est se compromettre« ). « C’est notamment inspiré du Livre de l’intranquillité , le bouquin posthume du poète portugais Fernando Pessoa. Comme son personnage, il menait une vie très insulaire. Il est très facile d’avoir peur de sa propre solitude. Mais l’idée est que plus vous passez du temps avec vous-mêmes, plus vous vous rendez compte des mensonges qu’implique la vie sociale. » Même si la solitude peut aussi être une fuite… « C’est évidemment à débattre. Mais dans la chanson, j’évoque ce monde basé sur le superficiel, l’éphémère, où tout est tellement homogénéisé qu’il n’y a plus de place pour être vous-même. Vous devez rentrer dans le moule. » Affable et jovial, Charlie Winston n’a pourtant rien de l’ermite misanthrope. « Mais je suis quelqu’un de très sociable! Parfois, je le regrette presque.. . Un des moments les plus heureux de ma vie se rapporte à l’époque où j’étais au collège. J’étais un peu à part. Les autres ne comprenaient pas trop ce que je voulais. Je crois que je le faisais délibérément, parce que je voulais juste pouvoir pratiquer mon piano 4, 5 heures par jour. Il y avait cette pièce, avec de grandes fenêtres qui donnaient sur les jardins et l’étang plus bas. J’arrivais tous les jours vers 6 h 30, 7 h pour pratiquer avant les cours. Seul. C’étaient des moments magiques. » Pas certain que Charlie Winston en trouvera encore beaucoup de pareils au cours des prochains mois…

Hobo, Atmosphériques/Bang!. En concert le 10/05, aux Nuits Botanique, Bruxelles.

Texte Laurent Hoebrechts

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