Must des années 70, la chaîne hi-fi n’a plus la cote, acculée par le MP3. Alors morte, la haute-fidélité? Pas sûr. Certains signes montrent même un regain d’intérêt pour une certaine qualité sonore.

C’est un des paradoxes de l’époque actuelle. Jamais peut-être la musique n’a été aussi accessible, à portée de clic (légal ou pas). Dans le même mouvement, sa qualité se sera cependant largement détériorée. Les dommages collatéraux de la révolution numérique? En effet, et cela se répercute jusque dans les salons. Où sont passées les chaînes hi-fi? De plus en plus souvent, ne trône plus que le dock sur lequel vient se nicher l’iPod. Ou, plus simplement encore, le portable sur lequel on a branché des baffles grésillants. Avec la perte de qualité sonore qui s’en suit. La faute en incombe au système élémentaire de diffusion. Mais surtout au format MP3, qui par définition ne fournit que des fichiers musicaux compressés.

Les studios se sont d’ailleurs mis depuis longtemps au diapason. De fait, on ne mixe pas de la même façon la musique, selon qu’elle sera écoutée sur ordinateur ou sur un lecteur CD. Les nuances en font souvent les frais. Le magazine Rolling Stone interrogeait l’an dernier une série de professionnels sur le sujet. Comme Butch Vig par exemple, gourou du groupe Garbage et producteur du Nevermind de Nirvana: « Il faut être conscient de la manière dont les gens recevront la musique, or quasi tout le monde aujourd’hui écoute du MP3. Certains effets peuvent être perdus. Donc vous devez parfois exagérer les choses. » Même son de cloche chez le producteur David Bendeth, qui déplore la manière dont a été masterisé par exemple le best of d’Elvis Presley, 30 #1 Hits, qu’il avait lui-même mixé. « Un tas d’audiophiles détestent ce disque », explique-t-il, lui reprochant son « volume » trop élevé. « Mais les gens peuvent le passer dans la voiture et cela tient la route avec le dernier Foo Fighters. »

Fidèle au vinyle

La cause est-elle donc perdue? L’amateur de bon son serait-il une espèce en voie de disparition? Pas forcément. Chez un spécialiste comme New Music, chaussée d’Ixelles, à Bruxelles, on semble même relativement confiant. Tout en étant conscient que la donne a effectivement changé. « On ne fonctionne plus par cycle, explique José Loro. On peut faire notre chiffre d’affaires sur le mois de juin, qui d’ordinaire est le pire. Cela veut dire que la hi-fi n’est plus un produit mode. » Entre-temps, le budget s’est déplacé sur d’autres technologies, comme le home cinéma. « L’avantage du home cinéma, c’est que cela concerne tout le monde. » L’autre facteur, José Loro ne le nie pas, reste cependant l’ordinateur, qui a pris de plus en plus de place dans les foyers. « Du coup, l’informatique a éduqué deux générations à télécharger de la musique de mauvaise qualité et à la stocker de manière catas- trophique. Mais bon, on ne peut pas se battre contre l’industrie du téléchargement et du MP3. »

Des indices existent pourtant, donnant aux audiophiles des raisons d’espérer. Exemple: des nouvelles marques, mais aussi des anciennes, (ré-)investissent dans la production d’équipements hi-fi. « Mais la haute-fidélité revient aussi par une autre porte, peut-être plus surprenante, avance José Loro. On a vendu l’an dernier 50 pc en plus de vinyles. » Cela ne fait toujours pas grand-chose en valeur absolue. Mais le signal n’en est pas pour autant anodin. « Le vinyle représente une écoute plus naturelle. Le CD a tendance à figer le son, à le rendre plus plat et figé. Encore aujourd’hui, le vinyle reste la référence. » Autre avantage des installations haute-fidélité: à l’inverse de la technologie home cinéma, elles se démodent beaucoup moins vite. « Au niveau des haut-parleurs, de l’ampli, on est arrivé à des niveaux de qualité exceptionnels. On monte donc moins vite. » La hi-fi comme valeur refuge? En ces temps de crise, cela n’est pas idiot.

Pour autant, l’enseigne de José Loro vend également des docks qui permettent d’écouter directement la musique de son iPod au salon. « C’est vrai. On ne peut pas aller contre la tendance. Par contre, on peut tenter de l’améliorer. Une marque comme Soolooz, par exemple, s’est spécialisée dans la gravure de grande qualité sur disque dur. Des sites se mettent en place, où il est possible de télécharger en haute définition. Aujourd’hui, cela n’est pas encore très pratique parce que la man£uvre peut prendre des heures pour un seul disque. Mais le résultat est exceptionnel, bien meilleur que n’importe quel CD. »

L’avenir reste donc malgré tout au numérique. De fait, on a vu ces derniers temps une série de musiciens se mobiliser pour de nouveaux standards musicaux, plus performants. Le format SACD a beau avoir fait un flop, des gens comme Neil Young croient qu’il est encore possible de proposer un son de qualité. Et d’annoncer ainsi la sortie d’une première partie de ses archives sur Blu-ray. Autre exemple: Trent Reznor a proposé de télécharger le nouvel album de son groupe Nine Inch Nails dans une qualité là aussi supérieure au CD. La haute-fidélité n’aurait donc pas encore dit son dernier mot. Même si la bataille est loin d’être gagnée…

Texte Laurent Hoebrechts

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