Le scénariste d’Alejandro Gonzalez Inarritu passe avec succès l’épreuve de la réalisation avec The Burning Plain, drame de frontières et récit éclaté…

S’il signe, avec The Burning Plain, ses débuts de réalisateur, Guillermo Arriaga est loin, cependant, d’être un inconnu. Scénariste, quelques films lui ont suffi à populariser un style identifiable entre tous, étrenné avec Amores Perros, de son compère Alejandro Gonzalez Inarritu. Bousculant la chronologie et croisant, de façon aléatoire en apparence, les destins de divers protagonistes, son modèle de narration a ensuite irrigué 21 Grams et Babel. Non sans, dans l’intervalle, être récompensé à Cannes pour le formidable The Three Burials of Melquiades Estrada, réalisé par Tommy Lee Jones. Les meilleures choses ayant une fin, c’est aujourd’hui au passé qu’Arriaga évoque sa collaboration avec Inarritu – « Nous avions, à l’époque de Amores perros , un gentleman’s agreementvoulant qu’il s’agisse de notre film à tous les deux. Cette condition n’a jamais été respectée, si bien que la situation s’est dégradée, jusqu’au divorce.  »

Une structure littéraire

Ce chapitre clos, ne restait au romancier et scénariste mexicain qu’à tenter, à l’approche de la cinquantaine, l’aventure de la réalisation. « C’est un désir que j’avais toujours eu en moi. Mais la chance ne s’était jamais présentée. Ou, plus exactement, je ne m’étais jamais battu pour la forcer », sourit-il, alors qu’il nous reçoit au Festival de Gand. Essai concluant, The Burning Plain (lire notre critique en page 28), s’appuie sur une construction familière, et pour cause… « J’essaye de conférer une qualité littéraire à la réalisation de films, d’apporter une structure littéraire au cinéma. En même temps, cette structure est empruntée à la vraie vie – nos pensées ne suivent pas un cours linéaire, nous fonctionnons par va-et-vient constants. Je ne fais rien d’autre, que ce soit dans mes livres ou, aujourd’hui, dans mes films. «  Et d’insister sur le caractère naturel du processus: « J’écris une histoire, je m’arrête, je passe à la suivante, et ainsi de suite – on finit par sentir où s’arrêter pour entamer une autre histoire. Les écrire indépendamment de A à Z et les réunir ensuite n’aurait aucun sens, le truc serait trop visible. « 

Comme The Three Burials avant lui, ce nouveau film raconte une histoire de frontières: « J’ai toujours été fasciné par la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, un lieu magique où le choc des cultures s’exprime de façon très étrange, approuve Arriaga. Mes films parlent de dialogue, exprimé de façon personnelle, qu’il s’agisse de l’amitié dans un film, ou de l’amour dans un autre. «  Et articulent un rapport singulier à l’environnement, rendu quasi organique, dans le cas présent, par un montage qui en appelle aussi aux quatre éléments fondamentaux – eau, terre, feu et air. « Je suis chasseur, poursuit le cinéaste. Parfois, il vous arrive de devoir traquer un animal dans les conditions les plus difficiles, par des températures glaciales, dans le vent, l’humidité et la boue. Tous ces éléments deviennent extrêmement prégnants, et s’expriment dans les paysages. Les paysages sont, pour moi, constitutifs de l’identité de l’homme – il y a une différence si l’on vient d’un endroit pluvieux ou d’un désert, par exemple. Savoir qui l’on est et ce qui nous compose est essentiel.  » Et nécessaire à la compréhension de l’autre, en quoi on serait enclin à voir le leitmotiv de son cinéma… l

Jean-François Pluijgers

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