Guillaume Vierset

Guillaume Vierset: " Dans le nouvel album d'Harvest Group, nous testons la notion de clair-obscur, d'humeurs entre chien et loup. " © philippe cornet

Guitariste acide, blindé de jazz, de rock et d’effluves psychés, le compositeur Guillaume Vierset est l’un des musiciens belges importants de l’époque. Y compris sur le troisième album de son Harvest Group, Lightmares.

Deuxième interview du guitariste et compositeur Guillaume Vierset, leader du Harvest Group. Trois ans après une première rencontre « en présentiel », le plein soleil règne à nouveau dans l’incertain printemps belge. Hasard? Ou alors le fils de 1987 amène la lumière dans le sillage d’une six cordes jazz allumée au rock et aux multiples trouvailles sonores aux effluves acides. En compagnie sur ce troisième opus, joliment titré Lightmares ( lire la critique page 43) , d’une bonne dose d’onirisme et d’ambiances « entre chien et loup ». Guillaume Vierset, mais encore? On pose la question à David Bartholomé, puisque Guillaume a rejoint le trio Sharko fin 2019:  » Guillaume est un garçon étonnant, non seulement techniquement. Mais également humainement. C’est quelqu’un de charmant, qui ne s’offusque pas lorsqu’on lui dit que sa guitare est parfaite mais qu’il pourrait peut-être corriger un peu la couleur ou la conviction de tel ou tel passage. Il a toujours essayé d’adhérer à ma vision, ce qui est rare…Guillaume est encore dans une sorte de candeur et il la partage. »

Candeur relative tellement le trentenaire liégeois expose son talent en versions protéiformes. Outre sa participation à Sharko, il est aussi l’accompagnateur de Typh Barrow et session man, entre autres, pour Thomas Champagne, produisant Sacha Toorop. Sans oublier le leadership des trois formations pour lesquelles il secoue les cordes et compose: Harvest Group bien sûr, le nouveau projet Edges -album à l’automne- et puis LG Jazz Collective, que l’on découvrait au Marni il y a quelques années. Une soirée où sa silhouette de jeune Clapton faisait fondre les recettes jazz dans de sinueuses guitares pourpres.

Les Vierset sympathiques

Guillaume habite une grande maison sympa et aérée au bout du BW, pas loin des champs, en compagnie de sa comparse, Hélène, mère de leurs deux jeunes enfants. Il rigole brièvement comme un bossu à la mention de David Bartholomé – » je déteste ce type » puis reprend une dose de sérieux:  » David est une rencontre importante. Quelqu’un de difficile à cerner, mais je perçois en lui une bienveillance sans nom. On parle et partage beaucoup. J’essaie d’être toujours au service de la musique, mais je pense que j’avais des choses à prendre et à apprendre avec le personnage de David. Il m’a ouvert les yeux sur plein de choses, notamment sur le rapport entre technique et émotion. » On en vient à la question de l’identité:  » Je ne veux plus avoir cette étiquette de musicien de jazz en tout cas, je ne veux plus que ça m’englobe. Avec Typh Barrow, qui est de ma génération, je parle en termes musicaux, de mesures, de notes, de si bémol, de sol, de tension mélodique. David a un autre langage, celui des émotions, au-delà de l’écriture. Je me rappelle -et j’en ai encore des boutons- m’être retrouvé sur scène avec mon premier septet LG Jazz Collective, et quinze pages de partitions devant moi. Ce qui est insupportable. »

C’est peu dire qu’à 35 ans, Vierset est blindé d’études: onze années de classique plus sept de conservatoire jazz à Bruxelles. Il lui en reste un ADN immersif, une capacité de lecture et d’adaptation dans l’instant, des sensations musicales. Il a choisi les plus charnelles, comme dans Harvest Group, qui se permet de décoller les genres, d’éviter les linéarités.  » Je ne sais pas trop quelle est la part de l’inconscient dans tout ce processus de recherche musicale. Je ne veux plus jouer ce que l’on peut attendre de moi, mais bien ce que j’ai envie de donner. J’ai l’impression d’être solaire ou alors sombre, rarement entre les deux. Comme dans ma musique. »

Yoga et son

Dans l’actuelle chimie de Guillaume, Harvest Group semble être la molécule principale. Parmi ceux qui atomisent le groupe, le sax Mathieu Robert, d’un même cursus que Guillaume.  » Je sens que lui, comme les autres, aiment ce que je tente de pousser. Mathieu est une rencontre des années de conservatoire, qui a exploré très loin ses recherches dans le jazz pur et dur. Mais pas seulement: sa pratique personnelle du yoga m’amène de l’apaisement… Ce groupe ne se préoccupe pas de solos de 10 minutes ou de savoir la place que prend chacun dans l’ensemble. Parce que le sens de la virtuosité dans le « jazz » existe toujours. Une partie de moi aime encore ça et d’ailleurs, je la pratique à la maison. Mais Harvest Group a un objectif majeur: trouver un son commun, sans frustration d’aucun des cinq musiciens… »

Guillaume raconte volontiers comment son instinct premier, celui de l’apprentissage jazz, s’est enrichi il y a quelques années d’un héritage familial via quelques centaines de vinyles pop-rock. Il découvre des talents à la Nick Drake et, surtout, une autre grammaire musicale. Qui marque déjà le deuxième album d’Harvest Group paru en 2019, Nacimiento Road, imprégné d’un large folk.  » Tout ça a joué sur l’actuelle musique, de toute évidence, qui porte aussi le sceau de cette pandémie de deux années. Je ne la regrette pas, parce elle m’a donné la possibilité de composer énormément et de me poser des questions sur le sens des choses. Lightmares est un disque d’époque, de doutes, de clair-obscur. Et puis là, vers novembre, je vais sortir le premier album de mon autre formation, Edges, titré The End of the F***ing World . Et si ça n’est pas un album actuel, qui sent les temps présents, alors je ne sais pas ce que c’est. »

Harvest Group est en tournée jusque fin avril, entre autres le 02/04 à Flagey.

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