Groove chicon

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Trois ans après un premier volet passionnant, Funky Chimes déterre une nouvelle série de petites bombes funky-jazz seventies, made in Belgium. Jouissif.

Divers

« Funky Chimes »

Distribué par Sdban/NEWS.

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Nul n’est prophète en son pays. C’est sans doute particulièrement vrai en Belgique. On connaît ainsi souvent mal l’histoire de ses musiques. Jusqu’il y a peu, c’était comme si le territoire-confetti avait flemmardé en banlieue de la culture pop, au moins jusqu’aux années 80. Comme s’il avait fallu le punk, la new wave et surtout la nouvelle donne électronique (new beat, techno, house…) pour que la Belgique se connecte enfin. Il faut donc saluer l’initiative lancée par Stefaan Vandenberghe (Dr Lektroluv quand il passe derrière les platines) d’avoir créé Sdban, label essentiellement consacré au « patrimoine » local. Il y a trois ans, il inaugurait son catalogue avec une double compilation jouissive, baptisée Funky Chicken. Piochant dans le groove made in Belgium sixties-seventies, on y trouvait aussi bien les Chakachas que Placebo, André Brasseur ou René Costy. Après un tel feu d’artifice, c’est peu dire que l’on attendait une suite en bonne et due forme. La voici, la voilà: Funky Chimes replonge à nouveau dans le groove chicon sixties-seventies. Cette fois, plus profondément encore, mais toujours avec le même bonheur.

Il y a au moins un intérêt à évoluer dans un trou perdu de la pop mondiale: personne ne vous attend. Vous êtes libre de faire ce que vous voulez. Entre soul assumée, jazz moite, library music bizarre et funk soutenu, la double sélection proposée par Funky Chimes (27 titres en tout) réussit ainsi à incarner les genres, tout en les décalant à chaque fois un peu. Pour dégoter ces pépites, Stefaan Vandenberghe a parfois été gratter très loin. L’un des exemples les plus emblématiques est le morceau Pink Movement attribué au groupe Experience. Petite bombinette acid-funk, il est tiré d’un flexi-disc, que l’on pouvait remporter en collectionnant les timbres Tintin sur des emballages de pâtes ou de chocolat… Plus loin, les huit minutes de Chewing Gum Delirium, signé du Free Pop Electronic Concept, divaguent entre orgue soul, groove yéyé, congas afro et remontées acides électroniques; tandis que The Sumos (entendus sur le tube Kung Fu Fighting de Carl Douglas) mélangent motifs asiatiques et riff de guitares funky; et que Leslie Kent s’attaque à une cover du Inner City Blues de Marvin Gaye (sortie en 1972, sur un label turc…).

Comme le souligne l’historien de la Belpop Jan Delvaux dans les notes de pochette rédigées pour l’occasion, Funky Chimes ne doit pas se résumer pour autant « à un freak show ». Il propose également des titres d’artistes plus connus comme André Brasseur, un habitué de la maison. Par ailleurs, la compilation cite au moins à trois reprises Marc Moulin. Notamment pour sa participation, derrière le piano électrique, à la reprise de Give It Up or Turn It Aloose, par Philip Catherine, et produite à l’époque par… Sacha Distel. Un bon résumé finalement de la démarche entreprise ici, entre joyeuses anomalies et fulgurances groovy.

LAURENT HOEBRECHTS

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