Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Mensonge d’Etat – Paul Greengrass précipite Matt Damon dans la guerre en Irak, et lui fait rechercher en vain des armes de destruction massive. Rageur et percutant!

De Paul Greengrass. Avec Matt Damon, Greg Kinnear, Brendan Gleeson. 1 h 55. Dist: Universal.

On verra bientôt dans nos salles le nouveau film de Doug Liman, Fair Game, qui évoque l’affaire Valerie Plame, du nom de cette agente de la CIA dont l’identité fut (lâchement) révélée puis jetée en pâture à la presse pour la punir des révélations gênantes faites par son ex-ambassadeur de mari au début de l’intervention en Irak. Ce film clame ce que Green Zone affirmait déjà, et qui peut surprendre au premier abord: au sein même de la CIA, on ne croyait pas à l’existence d’armes de destruction massive ou à l’imminence d’une bombe nucléaire affichées comme motifs décisifs au déclenchement de la guerre par l’administration Bush. Ironiquement, le réalisateur de Fair Game inaugura la trilogie des aventures de Jason Bourne avec Matt Damon avant de passer le relais à… Paul Greengrass, réalisateur de Green Zone avec en vedette le même comédien! Damon incarne Roy Miller, officier américain menant un groupe d’hommes dans une mission très précise et de la plus haute importance, en ces premiers jours d’envahissement de l’Irak: trouver les fameuses ADM. Des renseignements précis doivent lui permettre de les dénicher. Mais pour détaillés qu’ils soient, les rapports fournis par une « taupe » au sein même du régime de Saddam Hussein se révèlent tous inexacts. Au point de rendre Miller de plus en plus soupçonneux. Il s’ouvrira de ses doutes à ses supérieurs, mais comprendra vite que le secret règne, et qu’il est on ne peut plus suspect… Librement adapté du livre de Rajiv Chandrasekaran Dans la zone verte: les Américains à Bagdad(1), Green Zone confronte son jeune héros à une surprise de taille: le seul interlocuteur prêt à le croire et à l’aider est… le responsable local de la CIA! Brendan Gleeson joue remarquablement ce fascinant personnage, et Greg Kinnear l’agent du gouvernement américain s’employant à empêcher la vérité de percer, dans un film au rythme échevelé, au réalisme saisissant, et à l’impact féroce.

Intense et percutant

Révélé par Bloody Sunday (évocation d’un massacre en Irlande du Nord) et metteur en scène de l’estomaquant autant que bouleversant United 93 sur un avion victime des terroristes du 11 septembre, Paul Greengrass adopte un style intense et percutant, proche du documentaire et dont les scènes caméra à l’épaule se situent au croisement du cinéma d’action et d’une approche façon… frères Dardenne. L’exemple de Spielberg dans la série télévisée Band Of Brothers a sans doute aussi confirmé le cinéaste britannique dans sa volonté de saisir les choses au vol et de se cheviller à ses personnages. Un superbe travail, au service d’un récit renouant avec la meilleure tradition des thrillers dénonciateurs et (justement) paranoïaques des années 70, type The Three Days Of The Condor ou The Parallax View. Les suppléments aussi passionnants que nombreux de l’édition Blu-ray achèvent de rendre indispensable un Green Zone à situer -sur le thème de la guerre en Irak- tout juste en dessous du formidable The Hurt Locker de Kathryn Bigelow. l

(1) Paru aux Éditions de l’Olivier.

Louis Danvers

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