Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

LE CENTRE POMPIDOU PROPOSE UN VOYAGE DANS LE TEMPS. DESTINATION? LES ANNÉES 80. ENTRE DÉCEPTION ET AMERTUME.

Les années 80, l’insoutenable légèreté

CENTRE POMPIDOU, À 75 004 PARIS. DU 24/02 AU 23/05.

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A peine s’ouvraient-elles que Jim Kerr et sa bande de simples d’esprit -fraîchement rejoints par Mel Gaynor- nous les promettaient dorées sur tranche. Avec New Gold Dream, les Simple Minds donnaient le ton d’une nouvelle ère en plantant le décor en carton-pâte des années 80. Celui d’une pièce de théâtre totalement coupée du contexte socio-historique dans lequel elle prenait place. On objectera à raison que nous manquons singulièrement de recul pour laisser tomber sur cette décennie le couperet d’une sentence définitive. Pas faux. En attendant, il reste qu’un constat d’évidence s’impose à la lueur de la quarantaine d’années qui a suivi: le refus manifeste des eighties de regarder la réalité en face. Un aveuglement sans pareil. Il faut dire qu’elles avaient mieux à faire, consommer -et se consumer- pendant qu’il en était encore temps. Panache ou panade? Nombre d’objets culturels, à l’heure du sida et du thatchérisme, se sont fait fort d’occulter le réel au profit des convenances néo-libérales, offrant au monde un modèle d’accomplissement illusoire. C’est tout particulièrement vrai de la photographie au sein de laquelle a régné le goût le plus total de la mise en scène. A l’époque, toutes les techniques se mêlent afin de dissoudre la réalité dans la fiction. Non sans un joli sens du cynisme et de l’artifice. Ces années généralisent l’usage du trompe-l’oeil. Sans jamais plaider coupables, photographes et réalisateurs « multiplient ironiquement des effets d’accumulation de type documentaire« , mais aussi « jettent un regard faussement objectif sur des situations soi-disant quotidiennes », voire « forcent la théâtralité jusqu’à susciter un sentiment d’étrangeté« . La manipulation est totale.

Cabaret

Ce grand-guignol aux proportions effrayantes est le propos de la nouvelle exposition gratuite du Centre Pompidou à Paris. L’événement réunit plus d’une vingtaine d’artistes pour une soixantaine d’oeuvres dans un parcours inédit. Le générique? Plus que plaisant dans la mesure où il ne se contente pas de livrer une version hexagonale des choses. Aux Pierre et Gilles, Jean-Paul Goude, et autre Présence Panchounette, du nom de cet étonnant collectif bordelais, les commissaires ont eu la bonne idée d’opposer des Martin Parr, Ellen Carrey et autre David Buckland. On pense aussi à Elizabeth Lennard, photographe et réalisatrice passionnée d’architecture et de lumière née à New York en 1953. Ses tirages racontent l’aventure postmoderne des villes et de leurs bâtiments: du mur de Berlin aux gratte-ciel de Manhattan présentés de façon distanciée. Là encore, il est question d’apparences. Soit un cadre de références dont on décide de ne montrer que l’aspect de décorum servant de substrat à l’individualisme et à la théâtralité. On n’oubliera pas pour autant, nettement plus proches et moins théoriques, les formidables et touchants Portraits en ville (1982) d’Agnès Bonnot qui s’arrêtent sur les signes vestimentaires distinctifs -cravates, bijoux, badges…- racontant toute une génération à travers un raccourci métonymique.

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MICHEL VERLINDEN

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