Ils font un peu tache dans le paysage hip hop français actuel: le rap militant de Keny Arkana d’un côté et le slam dégagé de Grand Corps Mal ade de l’autre. Pour les deux, le poids des mots: engagés pour la première, poétiques po ur le second. Par contre, chez l’une comme chez l’autre, on cherche toujours la musique…

Ce fut un des invités-surprise de 2006. Avec son premier album, Midi 20, c’était l’heure de Grand Corps Malade. Voix profonde, taille de basketteur à la démarche contrariée par un accident (un mauvais plongeon en 97), Fabien Marsaud allait devenir le symbole de la vague slam en France. Le mouvement n’est pourtant pas neuf. Mais voilà, il a suffi de deux, trois apparitions télé bien senties (chez Edouard Baer, Ardisson…), et la machine s’est emballée. « C’était étrange, parce que je n’avais pas d’attentes. C’est même presque injuste. Il y a des gens qui rêvent de devenir artiste depuis tout petit. Moi, je ne l’ai jamais cherché. Quand, gamin, j’allais voir NTM en concert, je me sentais complètement à ma place en tant que spectateur. Je n’avais pas spécialement envie d’être à la leur. «  On imagine aussi que le timing a dû aider au décollage du disque. Un an après les violentes émeutes des banlieues, Midi 20 offrait une alternative rêvée aux éructations du rap « de cité »: plus littéraire, plus polie, plus acceptable. Résultat: en 2007, Grand Corps Malade repartira de la cérémonie des Victoires de la musique avec deux trophées.

Un an plus tard, Fabien Marsaud est de retour avec un deuxième opus, Enfant de la ville. Premier constat: rien n’a changé. Même voix grave, même diction monocorde, même rimes claires (voire faciles). Rencontré quelques jours avant la sortie du disque, le bonhomme est resté un modèle de simplicité. « J’ai toujours cherché à garder les pieds sur terre. C’est pour cela que la tournée a été longue: on voulait se ménager des temps de vie normale entre les concerts, ne pas être tout le temps sur la route. Tous les mercredis, je continue aussi à animer des ateliers avec des jeunes et des retraités: des petites mamies qui slamment. «  La notoriété de Grand Corps Malade a pourtant vite dépassé le cercle hip hop: repris sur les banderoles des manifestants étudiants, cité par Renaud (« un modèle pour moi »), ou parodié (Fatal Bazooka). Jusqu’à attirer l’attention des politiques en manque de soutien people. « Pour les présidentielles, je pense qu’il y a peu d’artistes qui n’ont pas été sollicités. » De toute façon, la politique, très peu pour lui. « On peut retrouver des idées un peu sociales ou politiques en filigranes ici et là. Par exemple, dans un morceau comme Je viens de là . Mais je ne me sens pas la légitimité de parler de ça de manière frontale, ou tenir un propos militant. Même s’il s’est passé des choses depuis un an… «  Chroniqueur plus qu’éditorialiste, Fabien Marsaud se moque par ailleurs toujours autant de la musique: un accompagnement plus qu’autre chose, acoustique, léger et délicat, voire mièvre. « A la base, le slam c’est de l’a capella. Avant tout, j’ai donc envie qu’on puisse très bien entendre les mots. Je suis un grand fan de hip hop, mais la musique n’aide pas toujours le texte. Elle aide à bouger la tête et les pieds, mais souvent le débit est très rapide, et couvert par le beat. Du coup, ma diction est assez lente. En plus, on surélève encore la voix pendant le mixage. La musique est donc d’abord là pour accompagner et suivre les évolutions du texte. C’est pour ça aussi que je suis contre l’idée du sample, de la boucle récurrente, pour ma musique. Mon texte évolue, a un début, un milieu, une fin et la musique doit suivre ce cheminement.  »

u Enfant de la ville, chez Universal. En concert, le 20/07, aux Francofolies de Spa.

TEXTE LAURENT HOEBRECHTS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content