Guère connu du grand public, Lenny Abrahamson s’est fait un nom auprès des cinéphiles il y a une bonne dizaine d’années maintenant avec Adam & Paul, qu’allaient suivre Garage, What Richard Did et enfin Frank, film culte au casting ronflant réunissant Michael Fassbender, Maggie Gyllenhaal et Domhnall Gleeson. Room, son cinquième long métrage, consacre l’entrée du cinéaste irlandais dans le cercle des réalisateurs ayant la cote à Hollywood, actée par la récente cérémonie des Oscars où le film concourait dans quatre catégories, Brie Larson repartant avec la statuette, largement méritée, de meilleure actrice.

Adapté du best-seller d’Emma Donoghue, par ailleurs auteure du scénario, Room relate l’histoire d’une jeune femme vivant en captivité dans un réduit avec son enfant de cinq ans, et accompagne l’évolution de leur relation tandis qu’elle lui apprend que le monde ne se limite pas aux quatre murs refermant leur horizon. Attiré par la puissance émotionnelle du récit, Abrahamson raconte aussi avoir eu rapidement la conviction de savoir comment procéder pour le traduire à l’écran. « Cela n’avait rien d’évident, parce qu’on part du point de vue d’un enfant de cinq ans, et qu’on va donc devoir travailler avec un acteur très jeune. Et le décor se répartit entre deux maisons dont l’une n’est jamais qu’une petite boîte. Mais quelque chose, dans ma constitution de cinéaste, me rend sensible à ce type de défi. Un artisan qui fabrique des meubles va tenter d’en réaliser un particulièrement compliqué pour savoir s’il en est capable. »

Examen passé avec brio par le cinéaste, qui assure même que la première moitié du film, située exclusivement dans cet espace clos, est celle qui lui a posé le moins de problèmes: « Le minimalisme est une seconde nature, et je me suis senti comme chez moi. » Façon de parler, Room s’inscrivant dans une liste de films confinés où l’on retrouve Lebanon, de Samuel Maoz, limité à l’habitacle d’un tank, comme Buried de Rodrigo Cortés, qui enfermait Ryan Reynolds dans un cercueil. « Quand j’ai vu ce dernier, je me suis dit n’avoir franchement pas à me plaindre, observe Lenny Abrahamson. Comparé à Buried, j’avais l’impression de tourner dans le Grand Canyon. » Et de poursuivre: « Filmmaker Magazine m’a demandé récemment comment préserver l’intérêt visuel en tournant dans un espace confiné. Cette question n’est pas pertinente à mes yeux, parce que si l’histoire est prenante, on n’a pas à s’inquiéter de l’étroitesse du cadre. Cette attitude reflète une conception décorative de la mise en scène, où l’on part d’une histoire en se demandant comme la rendre sexy en s’aidant de tonnes de plans larges, ou d’une caméra saisie de bougeotte. La question qu’il faut se poser c’est: « Que se passe-t-il, et pourquoi cela m’intéresse-t-il? » Beaucoup de choses passionnantes se produisent dans Room, et une partie de la fascination vient du fait que le film se déroule justement dans un espace confiné. Plutôt qu’une contrainte, j’y ai vu un élément constitutif de l’histoire. » Ne restait « qu’à » trouver les outils techniques adaptés, panneaux amovibles et autres, sans que la caméra ne prenne pour autant de libertés avec les dimensions réelles de la chambre –« il n’était pas question de tricher, souligne le cinéaste, et le tournage a parfois été ardu. Mais même dans cette petite boîte, l’ensemble du vocabulaire de la mise en scène reste disponible. » La force du sujet, et la complicité manifeste des acteurs faisant le reste…

J.F. PL.

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