Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

JEFF KOONS A DROIT À SA PREMIÈRE RÉTROSPECTIVE EN EUROPE. L’OCCASION DE SE DEMANDER S’IL EST L’ARTISTE US LE PLUS IMPORTANT APRÈS WARHOL OU UN FIEFFÉ IMPOSTEUR.

La Rétrospective

CENTRE POMPIDOU, À 75004 PARIS. DU 26/11 AU 27/04.

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A nos yeux, rien dans le parcours de Jeff Koons (1955, York, Pennsylvanie) n’invite à la sympathie ou à l’admiration. Ni ses noces médiatiques avec Ilona Staller -aka La Cicciolina, cette « vierge éternelle » à ses yeux-, ni l’affection de ses mécènes -parmi lesquels on retrouve de façon assez significative un certain Bernard Madoff-, pas plus que sa Koons Incorporated -une petite entreprise d’une centaine de personnes qui ne connaît pas la crise. Pas de doute, ce sont les grosses fortunes de ce monde, elles aussi perméables au mimétisme, qui ont fait de Koons ce qu’il est, une baudruche à l’ego aussi « inflated » que son fameux Rabbit (1986). Dans la foulée, on goûte encore moins le fait que l’homme ait été courtier en matières premières à Wall Street pour « financer sa production artistique ». Soit, une formation idéale pour s’emparer de l’art comme d’un « vecteur privilégié de merchandising ». De « simulationniste » à opportuniste, il n’y a qu’un pas que l’on serait bien en peine de ne pas accuser Koons de franchir quand les montants en jeu sont si énormes. Interviewé pour son Dictionnaire de l’Art moderne et contemporain (lire page 44), Pierre Nahon expliquait qu’un artiste insincère, ça n’existait pas. Qu’il soit ici permis d’en douter -à moins qu’il s’agisse de ce genre de sincérité qui ne prend en compte que les espèces sonnantes et trébuchantes. Aspirateurs, ballons -même monumentaux comme sur la terrasse du Metropolitan Museum of Art-, bibelots kitsch, souvenirs bon marché en sucre ou en porcelaine…: les readymades de Jeff Koons laissent derrière eux le sentiment d’un vide intersidéral. Bref, l’Américain nous fait piètre impression, et ce ne sont pas ses déclarations qui invitent à l’absoudre, de type: « Mon travail est contre la critique… il combat la nécessité d’une fonction critique de l’art et cherche à abolir le jugement, afin que l’on puisse regarder le monde et l’accepter dans sa totalité. »

Contrepied

Pourtant, tout le monde ne voit pas les choses de cette façon. Pour certains, Koons opère depuis 35 ans une fabuleuse synthèse entre Pop art et Minimalisme. Ceux-là n’hésitent pas à affirmer qu’il est l’artiste américain le plus important après Warhol. D’autres louent sa capacité à incarner le rôle de « l’enchanteur pourrissant », témoin gênant mais logique d’une société où se mêlent confusément rêve et illusion, idéaux collectifs et violence. Ils applaudissent des deux mains la dose massive de cynisme déversée sur la société de consommation -surtout les collectionneurs qui trouvent là un formidable écho à leurs convictions néo-libérales. Qu’en penser in fine? A chacun d’aller juger sur pièce et de crier au génie ou à la supercherie. Sans oublier d’en profiter pour acheter un sac « Balloon Dog » (Magenta). Et oui, à l’occasion de la première rétrospective européenne consacrée à l’artiste, H&M s’associe en tant que mécène à l’exposition et crée un sac en édition limitée qui reprend l’une de ses oeuvres phares. Disponible sur place au prix de 39,99 euros. A votre bon coeur.

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MICHEL VERLINDEN

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