Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

ACTION WOMAN – Goldfrapp délaisse l’image de fille glamour pour celle d’une adolescente échappée d’un conte anglais psychédélique…le tout enregistré en une petite journée. Epatant.

« Seventh Tree »

Distribué par Mute/EMI.S eventh Tree est une fuite dans les sous-bois de l’Angleterre mystérieuse. Quelque part entre une grandeur victorienne évanescente et les marques d’un psychédélisme sixties. Le beat ne s’affirme que sur trois chansons, les autres se contentent de planer en courants d’air vocaux, dans une mise en scène sonore luxuriante. Délices mélodiques, douceur et volupté, l’album est séduisant. Goldfrapp est un sucre d’orge longtemps mis en bouche: les chansons fondent dans l’oreille ( Road To Somewhere, Caravan Girl, Monster Love). Le tempo global tranche sur le passé plus franchement electronica du duo Alison Goldfrapp et Will Gregory.

Au naturel, Alison est habillée en gentle- woman campagnarde qui aurait un faible inavoué pour la chasse à courre. Will, grand, poli, anonyme, ferait très bien dans un roman de Rudyard Kipling. Tous les deux sont anglissimes. Ils nous apprennent que Seventh Tree a été enregistré dans un bungalow près de Bath, entre  » araignées, pluie, feuilles et intrusions du soleil« . Will précise son éco-environnement:  » On a voulu échapper à l’atmosphère antiseptique et peu créative des studios classiques et retrouver l’esprit essentiel de la musique telle qu’elle pouvait être conçue dans les années 60 et 70. »

Goldfrapp use de certains instruments qu’on pourrait imaginer tombés en désuétude, tels que la harpe ou l’optigon (1), décrit ainsi par Will:  » Un gadget des sixties fabriqué par Mattel, la compagnie américaine qui fabrique les Action Man. C’est un jouet extrêmement sophistiqué, un orgue avec des échantillons en boucles. Les loops, très bien faits, évoquent de vieux airs. » L’optigon participe à la sonorité sophistiquée du disque, à ses relents de rêve éveillé placés sous le signe de l’héritage poétique de créateurs british tels qu’Edward Lear. Ce dernier, un original du dix-neuvième siècle, s’est fait connaître par une forme d’écriture particulière – les limericks – autant que par son obsession pour la nature, oiseaux, vers, et autres bébêtes sémantiques ou rampantes.

UNIVERS NATURALISTE

Seventh Tree sonne comme l’écho un peu halluciné de cet univers naturaliste.  » On aime la forme de psychédélisme avant la lettre de Lear, explique Alison. C’est un peu une réaction au cynisme actuel alors que la musique a le formidable pouvoir de s’écouter partout, dans un lit, un train ou un avion. »

Malgré le succès des albums précédents – Supernature a été double platine en Grande-Bretagne en 2005 – Goldfrapp a conscience de la fragilité de l’industrie du disque.  » Nous avons la chance d’appartenir à Mute, un label indépendant qui nous laisse totalement libres de créer. Mais Mute a été racheté par EMI en 2002 et depuis lors, on imagine bien que le patron de cette major court régulièrement après Daniel Miller (patron de Mute) en lui disant: Allons Daniel, tu sais bien que j’ai besoin de tubes (rires) ». Goldfrapp ne sauvera peut-être pas la planète des multinationales mais sa musique nous sauve complètement de la pop prévisible.

(1) Optigan est le nom officiel

www.goldfrapp.co.uk www.alisongoldfrapp.com

PHILIPPE CORNET

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