MYSTÉRIEUX GROUPE AFRO-PSYCHÉDÉLIQUE DE SUÉDOIS MASQUÉS, GOAT SORT SON DEUXIÈME ALBUM, COMMUNE, ET S’OFFRE UNE CÉRÉMONIE LE 21 SEPTEMBRE À L’ANCIENNE BELGIQUE.

L’histoire du rock est truffée de légendes invérifiables et d’informations anecdotiques ou pas qui l’ont rendue plus sexy, flamboyante et fascinante. Internet d’ailleurs, qui a transformé le monde en village, participe autant à la vérification de l’information qu’à la naissance et la circulation de ses mythes. Comme on dit: mieux vaut de bons mensonges que de plates vérités.

Les passionnants et masqués Suédois de Goat, révélés en 2012 par le génial World Music, album mélangeant afrobeat, kraut et autres musiques psychédéliques, sont l’un de ces groupes qui nappent leur biographie d’un épais voile de brouillard et de mystère. Le collectif, qui sort ces jours-ci son successeur, Commune, et fait une halte aux allures de cérémonie incantatoire du côté de l’Ancienne Belgique, laisse difficilement percer ses secrets. Il préfère se raconter à l’autre bout du GSM, voire du clavier (« ses membres ne parlent pas très bien anglais« , nous dit-on), que de se confronter physiquement à la presse, et évite soigneusement de se montrer à visage découvert, plutôt enclin qu’il est à condamner l’individualisme de nos sociétés.

Goat vient à l’origine de Korpilombolo. Patelin scandinave paumé qui ne comptait en 2010 que 529 habitants. « Nos terres se situent au nord de la ville mais parfois, nous prenons nos scooters pour y descendre, aller à l’épicerie et nous réapprovisionner. C’est un bled très ennuyeux. Mais le pays de Goat est formidable. Nous vivons dans des petits cottages aux couleurs rastafari. Chaque soir à 20 h, on lance le barbecue et les percussions commencent. »

Celui, ou celle, qui nous répond par mail se donne plus de 25 ans mais moins de 35. Dit avoir été policier, indien, constructeur et soldat avant de rejoindre la « Communauté ». Il prétend avoir grandi en écoutant Twisted Sister et Iron Maiden. Et répond au doux pseudonyme d' »El Goatador ». « J’ai débarqué au pays de Goat le 4 septembre 2004, dit-il. Je viens de Colombie et j’avais rencontré quelques Goateurs dans une retraite Ayahuasca (ce breuvage amazonien utilisé par les Indigènes pour entrer en transe dans un but divinatoire ou comme instrument thérapeutique et puissant outil de purification lors de rituels de guérison sacrés tue chaque année des touristes en manque de sensations fortes, ndlr) deux ans plus tôt. J’ai décidé de leur rendre visite et je suis descendu avec le goat groove. »

Goat serait moins un groupe qu’une tradition musicale. Un collectif à géométrie variable qui existerait depuis des dizaines d’années et aurait connu différentes incarnations. A travers les âges, Goat aurait chanté dans des formes anciennes de suédois. Eté profondément marqué par la musique progressive scandinave des années 70… « Quand toute cette histoire a-t-elle commencé? Je ne suis pas sûr. Goat a peut-être toujours existé. Ce que toutes ses incarnations ont en commun en tout cas, c’est l’amour de notre planète et de ses expressions culturelles. Les générations précédentes de Goat ont réalisé des enregistrements. J’ai d’ailleurs entendu certains trucs. Des tonnes de cassettes et des heures et des heures de jams interminables ont été immortalisées depuis plus de 50 ans. Elles dorment maintenant dans une vieille cave sous le temple de Goat. Mais ces artefacts ne pourront jamais voir la lumière du jour. »

Parce que bien sûr le projet emmené par Christian Johansson (le seul jusqu’ici à avoir dévoilé son identité) est le premier à avoir sorti un disque et à s’être produit sur scène…

« Je ne pense pas que la musique en général ait besoin de davantage de mystère. Mais chacun et chacune doivent faire en sorte de se sentir bien. Et pour nous, c’est une grande liberté que de pouvoir tenir nos identités à l’écart des projecteurs. »

Businessmen de l’esprit et de l’âme

Grande marmite sous laquelle crépitent de Korpilombolo à Göterborg, l’afrobeat de Fela Kuti, le kraut de Can, le groove de Funkadelic et un tas de musiques hypnotisantes, Goat se planque derrière des accoutrements colorés et carnavalesques. « Certains de nos masques ont des centaines d’années. Des pièces de musée, vraiment. D’autres ont juste été achetés au magasin de déguisement du coin, », poursuit notre interlocuteur.

Tout ceci n’aurait pas la même saveur sans une touche de spirituel et de surnaturel. D’après la légende, Korpilombolo posséderait une grande tradition vaudou depuis qu’un guérisseur itinérant s’y serait installé il y a plusieurs siècles maintenant. « Des voyageurs y ont déposé leurs baluchons au XVIe et les Lapons ont été marqués par leurs croyances. » Le collectif affirme d’ailleurs vouloir se connecter aux esprits et atteindre d’autres niveaux de conscience, comme le faisait remarquer « Goatgirl » à un blog musical de Chicago.

En attendant, embrayant sur le succès de World Music et de concerts aussi rares que fantastiques et délirants, Goat enfonce un deuxième clou, tordu, dans sa naissante discographie. « On aime bosser sur des albums. C’est un processus qui fait appel à l’imagination. Et c’est parfois même plus amusant encore que de jouer en public. Commencer à enregistrer nous a poussés à nous améliorer d’un point de vue créatif. »

De là à dévoiler les grandes lignes qui ont dirigé sa gestation, il y a un pas que le « Goatador » ne veut pas franchir. « On n’avait pas spécialement de bonne idée. Au début, on voulait sonner comme Chocolate Factory de R. Kelly mais c’était trop compliqué pour nous. Alors, on s’est dit qu’on allait essayer d’enregistrer un disque comme Mazarin de Per Gessle (le parolier et leader de Roxette, ndlr) mais ça devenait trop facile. A la place, on a improvisé. On a accordé les guitares. On a bouffé. Et à la fin, on avait 25 chansons. Elles n’étaient pas toutes bonnes je le reconnais. »

A l’écouter, lui qui dit s’être beaucoup jeté le Combat Rock de The Clash et le The Tribe du jazzman Marvin Hannibal Peterson dans les écoutilles ces derniers temps, les traditions musicales de Goat sont très proches de celles qui prévalent en Côte d’Ivoire.

Businessmen de l’esprit et de l’âme? Secte de l’amour et de la spiritualité, sans leader, règle, ni livres sacrés? La bête échappe encore et toujours à la captivité. Aux cages plus ou moins dorées de l’industrie musicale. « Quand la légende devient réalité, imprimez la légende« , disait un journaliste au sénateur James Stewart dans L’Homme qui tua Liberty Valance. Et si John Ford s’était réincarné dans cette drôle de chèvre suédoise?

A L’ANCIENNE BELGIQUE LE 21/9.

TEXTE Julien Broquet

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