LE 1ER MAI AU ROOTS & ROSES AVEC WOVENHAND, DAVID E. EDWARDS RACONTE SON AMOUR POUR DIEU ET JEFFREY LEE PIERCE, SON BOULOT DE CHARPENTIER POUR ROGER CORMAN ET TOUS LES CADAVRES QU’IL A VUS ÉTANT GAMIN…

Il y a des gens comme ça qui aiment ce qui sent le vieux. Quand le temps a fait son oeuvre. Quand la patine a filé du cachet. Quand l’histoire a donné une âme. David Eugene Edwards est de ceux-là. La musique des 16 Horsepower et de Wovenhand a toujours fait voler la poussière. Celle des musiques traditionnelles qu’il affectionne tant. Celle aussi de son Colorado natal où il s’en est tout naturellement retourné vivre après avoir fondé feu 16 Horsepower à Los Angeles il y a 23 ans.

« J’ai rencontré Pascal (Humbert) et Jean-Yves (Tola) en bossant sur les décors de Roger Corman. Le roi des films de série B, se souvient le charismatique Edwards, le cheveu long et blond, une gueule de western et le regard masqué par des grandes lunettes de soleil. Je pense que j’ai travaillé sur 40 films dans ces studios en un an et demi. J’étais pratiquement le seul Américain dans l’équipe. Moi, j’étais charpentier. Comme Pascal. Jean-Yves, lui, était peintre. On fabriquait de tout. Notamment des bazars pour ses films de science-fiction. C’était souvent craignos. Je me rappelle avoir bossé sur une cage d’ascenseur pour un film d’action. Un truc brinquebalant qui devait faire quinze mètres de haut. Un type avait osé y grimper et nous incitait à le suivre. C’était un peu: toi aussi, risque ta vie pour Roger Corman… »

Rebuté par la décadence, l’égoïsme et la saleté californienne, Edwards le sait, le revendique même: sa musique a le Colorado qui lui coule dans les veines. Il est d’ailleurs le plus grand ambassadeur de ce qu’on appelle le Denver Sound. Un mélange d’americana, de country alternative et de rock garage. « J’habite en bordure de ville. Dans un ancien quartier minier. C’est un Hollandais fraîchement débarqué qui a construit ma maison à la fin du XIXe siècle. Je suis à quinze minutes du centre et disons la même chose des montagnes. Le Colorado est comme ça. D’un côté le Kansas tout plat. De l’autre les hauteurs à perte de vue. Tout ce que j’aime. L’Etat a cependant beaucoup changé ces dernières années. Des gens venus des quatre coins des Etats-Unis s’y sont installés depuis la légalisation de la marijuana. Il est devenu bien plus peuplé même s’il reste pas mal de villes fantômes. »

Fire spirit

Fantômes. Le mot est lâché. Des revenants ont toujours semblé se promener dans la musique et les disques (c’est encore le cas avec Refractory Obdurate, le dernier Wovenhand) de David Eugene Edwards. Sans doute l’héritage d’une étrange enfance passée dans les églises avec un grand-père prédicateur et marquée par la vision dès son plus jeune âge de nombreux cadavres. « Quand quelqu’un mourait, il était toujours le premier sur place. J’ai donc été confronté à un paquet de corps sans vie. Pour je ne sais quelle raison, peut-être un sens de l’humour un peu morbide, ma grand-mère insistait pour que j’essaie d’en voir le plus possible. Ça attisait ma curiosité plus qu’autre chose. J’étais trop jeune pour être terrifié. Je ne connaissais pas la mort ni ne comprenais ce que signifiait s’en aller. Mon père est mort peu de temps après ça. Enfin bref. J’ai grandi au milieu des hôpitaux, des macchabées et des funérailles. »

Extrêmement croyant, Edwards, qui a commencé à chanter à l’église (ce qu’il fait encore parfois aujourd’hui quand l’occasion se présente) et se dit toujours inspiré par les peintures religieuses néerlandaises (notamment celles de Jérôme Bosch), semble convaincu que les instruments ont une âme… L’un de ses banjos date de 1887 et son bandonéon est lui aussi né à la fin du XIXe. « Il a été fabriqué en Allemagne. Je l’ai trouvé dans un magasin de seconde main. On venait de le mettre en vitrine. Je l’ai eu pour 150 dollars. Ils ne savaient pas quoi en faire. Moi si… Je ne suis pas assez riche pour collectionner. Je n’ai que les instruments avec lesquels je joue. Mais j’aime l’artisanat. Tu ne vois plus des trucs comme ça aujourd’hui. Ou quand tu en trouves, c’est à des prix exorbitants. Ils ont été faits avec application et savoir-faire. Puis ils ont un son particulier dû à leur vieil âge. Ils se déglinguent aussi. Tu as de l’air qui s’échappe de là où il ne devrait pas. Ils vivent leur propre vie. J’aime cette conversation avec l’instrument. »

Difficile, voire impossible, de ne pas évoquer un autre esprit, celui de Jeffrey Lee Pierce, quand on taille la discute avec David Eugene Edwards. Parce que leader du Gun Club est l’une de ses idoles. Mais aussi parce qu’il a participé au Jeffrey Lee Pierce Sessions Project. La relecture inédite de titres laissés en jachère par le mythique défunt… « Je ne sais pas trop que penser de cette initiative. Pour être honnête, je n’y ai pas prêté une attention très particulière. Je suis un fan du Gun Club. Et donc quand je veux entendre le Gun Club, j’écoute ses disques. Il a vraiment exercé une influence énorme sur ce que je fais. Je ne l’ai jamais vu sur scène. J’étais trop jeune quand JLP jouait encore aux Etats-Unis. Je ne l’ai pas rencontré non plus. Mais ma femme qui est de Los Angeles le connaissait assez bien. »

Pour Edwards, le bonhomme qui brûlait la vie par les deux bouts n’était pas plus que lui destiné à la musique… « Il n’était pas vraiment musicien. Et moi, je ne savais a priori jouer d’aucun instrument. J’ai trouvé ma propre manière de m’en servir en donnant l’impression de savoir ce que je faisais même si ce n’était pas le cas. En est sorti ce son qui m’a suffisamment satisfait pour que je continue. Je ne suis toujours pas particulièrement fier de mes chansons. Juste que les gens les aiment. »

LE 1ER MAI AU ROOTS & ROSES (LESSINES) AVEC MUDHONEY, THE GLÜCKS, ROMANO NERVOSO…

TEXTE Julien Broquet

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