Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

ARTISTE INSPIRÉ PAR LES NOUVEAUX MÉDIAS, PASCAL DOMBIS MET L’ART AU SERVICE DU TROUBLE OPTIQUE. ATTENTION, GRAVES PERTURBATIONS.

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PASCAL DOMBIS, GALERIE PASCAL JANSSENS, 6F, LANGE KRUISSTRAAT, À 9000 GAND. JUSQU’AU 25 JANVIER.

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Intéressante démarche que celle de Pascal Dombis, artiste d’avant-garde pourtant en phase avec son temps. Tout son travail résulte d’une seule notion pensée, retournée et décortiquée jusqu’à la moindre de ses facettes: l’excès. Ce choix n’est pas anodin, ce que les Grecs appelaient « l’hybris » résonnant depuis des siècles au coeur de la culture occidentale et désignant un franchissement coupable de la limite, de l’ordre des choses. A l’origine, cette transgression appelait un châtiment, comme l’a écrit Hérodote avec beaucoup de simplicité: « Regarde les animaux qui sont d’une taille exceptionnelle: le ciel les foudroie et ne les laisse pas jouir de leur supériorité; mais les petits n’excitent point sa jalousie. Regarde les maisons les plus hautes, et les arbres aussi: sur eux descend la foudre, car le ciel rabaisse toujours ce qui dépasse la mesure. » Aujourd’hui, l’excès a changé de statut: il ne fait plus peur, il s’est inscrit au coeur même du système. Pour mieux le comprendre, on pense à Jean Baudrillard, le philosophe français étant celui qui a sans doute le mieux cerné le problème. Il suffit de se rappeler ces quelques lignes extraites d’Amérique, sorte de voyage initiatique en terre hyperbolique: « Comme l’obèse qui n’arrête pas de grossir (…), comme les cellules d’une tumeur qui prolifèrent, comme tout ce qui a perdu sa formule pour arrêter. Toute cette société ici, y compris sa part active et productive, tout le monde court devant soi parce qu’on a perdu la formule pour s’arrêter. » Pas de doute: ce que le penseur attribuait aux Etats-Unis en 1986 est bien devenu, 18 années plus tard, le destin global. La périphérie ayant en cela rejoint le centre.

Stratégies

S’il n’y a pas lieu de se réjouir de cette perte généralisée de la tempérance, il convient de la penser et de la formaliser. C’est exactement le travail de Dombis, qui s’y colle depuis 1994 en utilisant programmation, algorithmes et langages informatiques. « J’utilise l’ordinateur pour générer de l’excès, l’excès de choses très simples… Cet outil est idéal pour répéter des procédures 1000, 10 000, 100 000 fois, voire 1 milliard de fois. A partir de cet excès, des éléments apparaissent, bruits et matières. De ces bruits et matières, je tire des formes et de ces formes je crée des expériences pour les visiteurs en mettant en scène des environnements sensationnels. Ceux-ci ne proviennent pas que d’effets optiques ou géométriques, ni paradoxalement que d’effets de nature purement technologique« , livre-t-il en guise de profession de foi créative. Déployée sur plusieurs salles, l’exposition immersive que lui consacre la galerie Pascal Janssens permet de mesurer la puissance du vertige inspirée par son oeuvre. L’une de ses constantes est sans doute l’idée selon laquelle ce que l’on croit voir, on ne le voit pas. Car ce qui se présente à l’oeil n’est jamais ce qui est -une sensation inconfortable qui est peut-être la pire des conséquences d’une société du foisonnement et de l’excès.

WWW.GALERIEJANSSENS.BE

MICHEL VERLINDEN

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