Les portails de partage de vidéos en ligne sont devenus des médias de masse, qui ont créé leur esthétique et leurs stars. Focus a branché le décodeur.

ans les talk shows, on assortit désormais la présentation des stars montantes du nombre de clics sur leurs vidéos. Dans Salut les Terriens, Ardisson parlait ainsi, il y a quelques semaines, du single C’est chelou de la starlette R&B Zaho: « 3 millions de pages vues sur YouTube, le plus vu sur Google Video, 1 million sur Dailymotion… Maintenant on compte comme ça! » Alors qu’il y a 3 ans, personne ne savait encore ce qu’étaient les portails de partage de vidéos en ligne (YouTube et Dailymotion ont vu le jour en 2005), aujourd’hui, ils donnent le ton. Et génèrent leur vedettariat. Les stars de YouTube, consécration suprême, sortent même parfois de la Toile. Le groupe de rock US Weezer les a par exemple invitées dans son clip Pork and Beans. Le chien de prairie au regard démoniaque, les bricoleurs de Coca aux Mentos, les mains peinturlurées qui dansent sur un titre de Daft Punk,… elles sont toutes là, ou presque. Quelques mois plus tôt, les mêmes – ou presque – avaient connu une sortie télé, dans un épisode de la série South Park et dans une pub AOL.

On s’offusquait jadis de la popularité hallucinante d’ex-candidats de téléréalité, dont les seuls faits de gloire avaient été de s’exposer à l’£il de Big Brother. On assiste à présent à une étonnante translation: des célébrités naissent sur YouTube, sans qu’elles aient besoin d’avoir un don divin. Et on ne trouve plus personne pour se scandaliser. Typologie de ces stars d’un genre nouveau.

Les musicales

Internet a débroussaillé le chemin entre les amateurs et les pros. Les artistes de tous poils l’ont bien compris, et se filment en plan fixe, poussant la chansonnette devant l’objectif. C’est le cas d’une kyrielle d’ados, persuadés que les majors vont tomber sur leurs prouesses et les débaucher. Parmi eux, la Britannique Mia Rose, frais minois et timbre cristallin, qui publie régulièrement ses versions de ritournelles pop FM. Elle n’a toujours aucun album au compteur, mais des sites de fans fleurissent dans le monde entier.

Même âge (20 ans aujourd’hui), même voix, même silhouette mais plus de chance, la Néerlandaise Esmee Denters. Repérée par Justin Timberlake, dont elle reprenait les tubes dans sa chambre, elle a signé sur son label perso, Tennman Records, posé ses fesses sur le canapé d’Oprah Winfrey, et bosse sur un album.

Le YouTube jackpot, le vrai, il fut pour le rappeur américain Soulja Boy, qui a bâti sa – jeune – carrière via le site. Sa chanson Crank That y a été vue des dizaines de millions de fois (aidée par la danse très caractéristique qui l’accompagne), et a squatté la première place du Billboard Hot 100 durant sept semaines consécutives.

Les journaux intimes

Sur Internet, on peut raconter sa vie par écrit, via des blogs, mais aussi par vidéo. On peut se répondre par écran interposé, réagir, commenter. Si certains s’adonnent réellement à cet effeuillage, d’autres font juste semblant. Comme Lonelygirl15, qui mettait en ligne ses petites histoires, entre problèmes de c£ur et conflits familiaux, et se faisait passer pour une frêle ado. Alors que la jeune fille était en réalité une comédienne qui jouait pour une websérie déguisée. N’empêche: ses vraies-fausses confessions sont si bien orchestrées qu’elles ont continué à trouver leur public après la révélation de la supercherie.

Les insolites

Un panda qui éternue, des loutres qui s’étreignent, un bébé qui n’en peut plus de rigoler, une animatrice télé qui vomit à l’antenne… YouTube est un vrai musée d’étrangetés. Le bizarre, en particulier quand il a l’air bricolé avec 3 francs 6 sous, fait crépiter le buzz plus souvent qu’à son tour.

Les industriels ont compris le pouvoir du look home made, et se lancent dans des campagnes de marketing viral sur Internet. Comme cette société d’accessoire Bluetooth, qui a publié un petit film prétendant que les ondes GSM pouvaient faire griller du pop corn. Certains cinéas-tes copient également l’esthétique YouTube, à l’instar du Français Michel Gondry, qui traitait dans Soyez sympas, rembobinez de remakes cheap d’£uvres connues… Gondry qui a d’ailleurs organisé un concours de « refaisages » avec Dailymotion, et promis d’intégrer ses gagnants dans son prochain DVD. J.J. Abrams a lui aussi opté pour l’image cracra dans le film-catastrophe Cloverfield.

Tout le monde s’y est mis. YouTube et Cie sont les nouveaux mass media, le village est plus que jamais planétaire.

Texte Myriam Leroy

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