Vincent Genot
Vincent Genot Rédacteur en chef adjoint Newsroom

L’histoire en marge – Reportage de longue haleine traité sous la forme de BD, Gaza 1956 témoigne de la cruauté des hommes. Comme Maus d’Art Spigelman l’avait fait en son temps.

De Joe Sacco, Éditions Futuropolis, 424 pages.

Certains livres parlent mieux qu’une réalité filmée dans l’urgence. Des mots qui vous pénètrent plus longuement qu’une suite d’images s’imprimant sur la rétine sans jamais parvenir à se fixer dans la mémoire. Sans doute parce que pour lire, il faut prendre le temps de s’investir. Gaza 1956 n’est pas une BD que l’on parcourt sur un coin de table. Dense, l’histoire se base sur les nombreux séjours que le journaliste dessinateur a effectués dans la bande de Gaza.

Son but? Raconter une page oubliée du conflit israélo-palestinien. Pour ce faire, l’auteur a cherché à recueillir les témoignages oculaires de ce qui s’était passé dans la petite ville de Khan Younis, en novembre 1956. Brièvement évoqué dans un rapport de l’époque, cet épisode, aujourd’hui méconnu, serait le plus important massacre de Palestiniens sur le sol palestinien si l’on en croit le chiffre de 275 morts avancé par l’ONU.

Les raisons de la colère

A travers ces faits tragiques et la recherche de la vérité qui l’obligent à mettre de côté de nombreux témoignages, Sacco nous fait partager la vie des Gazaouis actuels. En le suivant dans ses nombreux flashbacks entre le passé et le présent, on perçoit mieux la dramatique réalité d’une sentence, somme toute banale, d’un haut fonctionnaire du Hamas qui rappelle que  » les tragédies [du passé] contiennent souvent les graines du chagrin et de la colère qui façonnent les événements du présent« . Une version moderne de la sempiternelle loi du Talion.

Outre son dessin magistral, tant au niveau du trait que du cadrage, la grande force de Sacco est de ne jamais gommer les humains qui se cachent derrière la grande histoire. Au contraire, il les surligne pour les mettre en avant. Dommage, par contre, qu’il fasse à ce point l’impasse sur l’humour. C’est probablement l’autodérision de Spiegelman qui a fait de Maus un best-seller. Lourd, le Gaza de Sacco sonne trop comme une charge en forme de réquisitoire immuable. Un sentiment tempéré par une série d’interviews regroupées à la fin de l’ouvrage et qui donnent la parole à plusieurs gradés israéliens chargés des opérations militaires dans la bande de Gaza.

Vincent Genot

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