VOILÀ JAMIE MCDERMOTT, SE PRÉSENTANT COMME GAY PROVINCIALANGLAIS DE 32 ANS, DONT LE DEUXIÈME ALBUM DE LAMENT-POP NÉO DE SES IRREPRESSIBLES RÉINVENTE UN FLAMBOYANT CAMP BRITISH. AUSSI POUR HÉTÉROS.

Au fil des ans, on a interviewé quelques gay boys britanniques ayant réussi en pop: Boy George, junkie agressif péteux et collectionneur de chapeaux comme de mantras karmiques, Jimmy Sommerville de Bronski Beat, petit format à trogne de pomme levant la patte sur le synth pop avec un plaisir supposé interdit, ou encore Antony Hegarty, génie vocal, flottant de malaise dans son corps trompeur comme dans la conversation. Et puis voilà Jamie McDermott, 32 ans, scintillante révélation contre- ténor via son ensemble The Irrepressibles dont le deuxième album, Nude,nous fout largement la chair de poule. On le croise dans les toilettes du Café de l’AB -où rendez-vous est fixé-, une polaire après-midi de janvier, assez loin des chromos promos où il paraît volontiers en descendant 2.0 d’Oscar Wilde parfumé aux bacchanales d’une Rome antique. Là, on fait face à 1 mètre 80 robuste, affublé d’une veste simili-chasseur et d’un léger brushing à frange domptée. Le jeune homme, affable, concède d’abord un accent à son terrain d’origine -Scarborough, nord Yorkshire-, ville de 50 000 habitants en bord de mer où il a grandi au sein d’une famille ouvrière. « Oui, j’y ai des bons souvenirs, parce que j’avais pas mal de copains -tous straight- avec lesquels j’allais pêcher. On jouait aux soldats, on chantait avec mon père qui faisait partie du choeur de l’église catholique locale, et moi, je rêvais de devenir magicien (…): pourtant, le jour où mon identité gay s’est révélée, j’ai senti un grand vide autour de moi. La violence a d’abord commencé à l’école puis dans le quartier où, pourtant, tous les gosses de 2 à 18 ans avaient l’habitude de traîner ensemble. Il a fallu que j’arrive à la fin du lycée pour que je refuse les coups et les humiliations, et que je me défende physiquement. Nude, le deuxième album de The Irrepressibles, raconte aussi tout cela: l’importance de la mémoire dans nos vies, et est influencé par les récents suicides de jeunes gays en Amérique! Je veux raconter la beauté de l’amour homosexuel à tout le monde. Et oui, bien sûr, je crois à la musique en tant qu’expérience cathartique. « 

Rocco Siffredi du larynx

Jamie ado s’abrite du harcèlement ambiant dans la salle de musique: il y pianote, rêve de poèmes oniriques et de chansons brisant le cercle insidieux de la discrimination. Logiquement, cela passe par des reprises de « Classic Rock »-Queen, Free, Nirvana…- et le désir d’être Chris Cornell (de Soundgarden…), avant qu’une prof finaude ne remarque la tessiture exceptionnelle de sa voix. Pas de doute: le teenager possède une rangée d’octaves digne d’un Rocco Siffredi du larynx: c’est long et puissant, musclé et troublant. « J’ai compris que la voix pouvait venir d’une autre source que de la poitrine et être ce que l’on appelle une « voix de tête », un falsetto. Après, je me suis intéressé au dandysme, aux musiques des années 20 ou 30, aux possibilités de choeur vocal que j’ai explorées dans des installations sonores -je viens encore d’en présenter une à Londres. Pour Nude, j’ai visité le monde électronique au-delà des possibilités des cordes, d’une façon complètement novice, tactile. Je crois au sens de la pop music qui doit aussi être un moyen d’incarner l’époque -ce qu’ont fait les Sex Pistols- comme de présenter une forme absolue de beauté, de flamboyance. Cela, il faut le rappeler, a également été une caractéristique masculine: les hétéros se sont longtemps maquillés et si Sinatra revenait aujourd’hui, on le trouverait « camp ». Je pense qu’il existe toujours une idée du gay « clown » mais l’idée d’un gay menuisier ou d’un gay flic progresse. Ce qui est marrant, c’est que la majorité de notre audience est composée d’hétéros mâles! »

Voilà qu’on parle du Querelle de Fassbinder, ultime film du sulfureux réalisateur allemand où passion et promiscuité « ont influencé l’esthétique d’un morceau de Nude comme Arrow avec cette orchestration qui représente un univers complètement gay ». Jamie vient de rompre avec son partenaire de onze ans et habite présentement avec son père, du côté de Wembley. Il se rappelle qu’enfant timide et vulnérable, il refusait parfois les rassemblements sociaux: le goût de la performance l’aura débarrassé de quelques coquilles lourdes. « Etre un homme gay, c’est bien sûr pouvoir revendiquer la personnalité flamboyante d’un Freddie Mercury -on peut jouer à cela. Mais il y a autre chose: Nude le dit. Ma musique, c’est aussi accepter l’enfant qui est en nous: quand je suis en scène, je choisis de mettre ma sincérité en public. Notre premier album Mirror Mirror était destiné à être une sorte de cabaret version installation, avec des peintres intervenant sur la musique. J’ai ainsi joué dans une forêt avec des musiciens disséminés. L’idée de séduire l’enfant en nous était déjà là. Tout comme le désir multimédias: créer un endroit physique où les lumières se joignent aux chorégraphies pour créer une réalité qui ne l’est pas. Peut-être. »

EN CONCERT LE 16 FÉVRIER AU DEPOT À LEUVEN, WWW.HETDEPOT.BE

RENCONTRE PHILIPPE CORNET

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