Après d’innombrables volte-face, les Watchmen ont enfin forcé le chemin du grand écran. Sans l’assentiment d’Alan Moore, auteur du roman graphique, mais avec la dévotion de Zack Snyder, qui en signe une adaptation fidèle.

Londres, à quelques heures de la première des Watchmen (critique du film page 28). Les acteurs défilent par paires devant des grappes de journalistes, le visage barré par un large sourire. « Le sentiment du devoir accompli », résumera Jeffrey Dean Morgan (The Comedian), avant de louer le réalisateur du film, Zack Snyder. « Un gosse dans un magasin de bonbons, les compétences en plus », estimera, pour sa part, Carla Gugino, l’interprète de Silk Spectre.

Des qualités, il en fallait assurément pour mener à son terme, et avec une incontestable maestria, un projet qui a épuisé divers studios et réalisateurs depuis une vingtaine d’années. Quant à l’enthousiasme, il n’est à l’évidence pas retombé: à l’heure de l’entretien, Zack Snyder se révèle un concentré d’énergie au débit tonitruant, ne se relâchant parfois, l’espace d’un instant, que pour laisser sa femme Deborah, productrice du film, apporter l’une ou l’autre précision. « Watchmen est un film étrange, oui, mais dans le bon sens du terme, commence-t-il. Quand le projet m’a été proposé, il est clair que le studio avait à l’esprit un film différent, plus accessible, d’une durée moindre et ouvrant la porte à une suite, une franchise comme Les quatre fantastiques qui se serait appelée Watchmen . En tant que fan, je ne voyais pas les choses de cette façon, tout en sachant que la maturation serait longue et difficile, et que l’ensemble pouvait ne pas fonctionner. Se retrouver avec un film de plus de 2 h 30, classé R (restricted) , et s’assimilant à une expérience philosophique non dénuée d’ambiguïté morale ne correspond certes pas aux attentes initiales du studio, mais je dois ajouter qu’ils nous ont laissé les coudées franches. »

Le précédent 300

L’expérience de 300, précédente réalisation de Snyder n’a sans doute pas été étrangère à la marge de man£uvre accordée au cinéaste, comme ne manque pas de le souligner Deborah Snyder: « Là aussi, il s’agissait d’une adaptation de roman graphique, classée R et violente, sans la moindre star au générique, ce qui n’a pas empêché le film de bien marcher. A partir de là, et sans savoir précisément de quoi les Watchmen retournaient, le studio a été plus disposé à nous faire confiance. Ils ont changé de point de vue… «  Et Snyder de foncer bille en tête, conscient toutefois que d’autres, avant lui, y avaient laissé des plumes – « j’ai un immense respect pour ces gens. Dans le générique, il y a d’ailleurs une citation de Brazil , de Terry Gilliam – ma façon de montrer que je savais qu’il avait été impliqué dans ce projet, et de lui témoigner ma reconnaissance… »

Les Watchmen façon Snyder s’avèrent, à l’autopsie, fidèles à la vision qu’en avait leur créateur, Alan Moore. Si ce dernier semble s’être définitivement fâché avec le cinéma (lire pages 12 et 13), l’adaptation a d’ailleurs reçu le blanc-seing de Dave Gibbons, le dessinateur. Le film respecte, il est vrai, scrupuleusement les options du roman graphique, même si l’ampleur de l’£uvre a imposé quelques choix. « Il y avait, à mes yeux, des éléments cruciaux, des moments inaltérables qui devaient rester en l’état, comme les funérailles du Comédien, le Dr Manhattan sur Mars ou encore les interrogations de Rorschach. Ce sont là les pivots de l’histoire, autour desquels le reste vient s’articuler », explique Zack Snyder. Comme le veut désormais la coutume, un director’s cut plus fourni devrait, du reste, contenter les puristes…

Quant aux autres, ceux qui ignoraient jusqu’à l’existence des Watchmen? « Il s’agit, en un sens, du public auquel est destiné ce film. Je voudrais que quelqu’un allant voir Watchmen en pensant qu’il s’agit d’un film de super-héros lambda en ressorte avec un sentiment comparable au mien lorsque j’ai découvert le roman graphique d’Alan Moore, et que je me suis dit: « What the fuck… « .(…) Il y a tant de choses à y trouver, tellement d’idées qui y sont brassées.. . » Allégorie sur la pop culture s’érigeant en miroir du monde, le sujet apparaît, pour tout dire, inépuisable, appelant, au-delà du film, à… une (re)lecture de la B.D. « Je ne pourrais imaginer plus bel éloge »… l

Rencontre Jean-François Pluijgers, à Londres.

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