Funambule majuscule

Il y a une trentaine d’années, Guy Boley ( Fils du feu, Quand Dieu boxait en amateur) se rend à une rencontre-dédicace avec Pierre Michon, alors auteur du seul Vies minuscules. Cette lecture lui a causé un tel choc émotionnel que Boley s’attend à devoir se frayer un chemin parmi une foule d’admirateurs. « Ne faisons pas durer en vain un faux suspense: il n’y avait personne. » Passant l’après-midi en tête-à-tête, les deux hommes lient connaissance, se reconnaissent. Pas encore salué pour sa plume (ses manuscrits lui sont renvoyés), Boley conduit des bus. Michon fait son métier d’écrivain, voguant de conférence en séance de dédicace. Dans la lettre qu’il lui adresse des années plus tard, Boley évoque son ancien travail de funambule, la boxe, les petits carnets de son père disparu ou les ruades de 68, tous les chemins qui peuvent conduire sur le sentier de l’écriture, son « intoxication ». En réponse, Michon ravive sans fard ses années d’errance rue Royer-Collard, quand il n’écrivait rien et faillit tomber pour de bon (dans la clochardisation). Délesté du superflu, ce précis d’écriture éprouve le fil qui relie l’auteur à son lecteur, ce vieux couple, au vertige si singulier qu’il semble ne s’adresser qu’à nous.  » C’est bien ce que nous voulons, au bout du compte: apprendre à écrire. Être occupés, pas sauvés. »

De Guy Boley, éditions Grasset, 64 pages.

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