De Ron Howard, avec Frank Langella, Michael Sheen, Kevin Bacon. 2 h 02. Sortie 14/01. Le duel annonce Frost contre Nixon, mais l’on aurait pour ainsi dire pu écrire Bobby Fischer contre Anatoly Karpov, voire Mohammed Ali contre George Foreman. A l’été 1977, les débats télévisés opposant David Frost et Richard Nixon rassembleront 45 millions de téléspectateurs américains, révolutionnant l’histoire des médias, mais aussi celle de la politique.

Trois ans plus tôt, Nixon a été forcé à la démission de la présidence des Etats-Unis, des suites du scandale du Watergate. L’homme d’Etat se retranche dans le silence, moment où un journaliste anglais, animateur de talk-show en Australie, se met en tête de réaliser une série d’entretiens télévisés aux fins de lui arracher des aveux et solder ses années de pouvoir. Au scepticisme de ses proches répond bientôt l’intérêt du clan Nixon, voyant dans cet affrontement la possibilité d’une réhabilitation commode. La conviction de tout un chacun est, en effet, que Frost, plus rompu aux interviews des Bee Gees ou d’Evonne Goolagong, ne fera pas le poids face à l’ex-président. Entre les deux adversaires s’engage une lutte à mort, tant il est évident que semblable duel ne pourra désigner qu’un seul vainqueur, expédiant l’autre aux lions…

Adaptée de sa pièce de théâtre par Peter Morgan (auteur, entre autres, de The Queen, pour Stephen Frears), cette joute aux accents shakespeariens trouve, sous la conduite de Ron Howard, des arguments cinématographiques puissants, adoptant un dispositif ingénieux au service d’un propos résolument passionnant. Frost/Nixon déploie, en effet, une dynamique à plusieurs niveaux, s’attelant, naturellement, au rapport de forces mouvant entre ses deux protagonistes, des animaux médiatiques de premier ordre, mais dressant aussi un confondant inventaire du pouvoir. Libre, dès lors, à chacun de tracer des parallèles avec le passé récent des Etats-Unis, l’intérêt historique du film se doublant d’une dimension critique toute contemporaine. Au-delà de quoi l’on verra encore dans Frost/Nixon un drame humain poignant (pas totalement exempt, d’ailleurs, de sentimentalisme). L’un des atouts majeurs du film tient à son interprétation, magistrale. Frost et Nixon pendant de nombreux mois à la scène, Michael Sheen (le Tony Blair de… The Queen) et Frank Langella ( voir notre interview par ailleurs) reprennent leurs rôles d’époustouflante manière à l’écran. Sheen laisse filtrer, sous un vernis mondain et lisse en apparence, l’angoisse profonde d’un Frost jouant là sa carrière et plus encore. Quant à Langella, son interprétation est phénoménale – l’acteur est Nixon jusqu’en ses moindres vibrations. A leurs côtés, une batterie de seconds rôles solides – les Kevin Bacon, Sam Rockwell et autre Rebecca Hall -, viennent conférer à l’ensemble une incontestable consistance.

Soit, au final, un film subtil, bluffant et même grisant, tel qu’on n’en attendait à vrai dire guère de la part de Ron Da Vinci Code Howard. Et l’une des toutes bonnes surprises de ce début d’année…

J.-F.Pl.

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