DE BERNARD EISENSCHITZ, ED. CAHIERS DU CINÉMA, 272 PAGES.

Si la littérature sur Fritz Lang abonde, avec quelques incontournables comme le Fritz Lang de Lotte H. Eisner ou le Fritz Lang en Amérique de Peter Bogdanovich, cette monographie de Bernard Eisenschitz apparaît comme l’ouvrage définitif sur le cinéaste allemand, l’auteur de Metropolis, bien sûr, mais aussi du cycle des Mabuse, et autres Fury, Man Hunt ou The Big Heat. Historien du cinéma, Eisenschitz allie une connaissance approfondie de son sujet à un évident souci de rigueur -qualités déjà à l’£uvre dans son Roman américain, Les vies de Nicholas Ray, sa biographie de référence du réalisateur de Rebel without a Cause. L’£uvre de Lang, il l’envisage de façon systématique, suivant la chronologie d’un parcours qui devait conduire le cinéaste de Vienne à Berlin avant, en 1933 et face à la montée du nazisme, son départ, via la France, pour les Etats-Unis qu’il ne quittera que plus de 20 ans plus tard, en 1956, pour revenir en Allemagne.

S’appuyant sur des archives nombreuses, l’ouvrage voit Eisenschitz décortiquer chaque film avec un luxe de détails, de la genèse aux moyens de production mis en £uvre, à quoi il ajoute diverses anecdotes signifiantes, et jusqu’à la réception critique de l’£uvre. Adoptant un point de vue d’une rare pertinence, l’auteur interroge encore le rapport du cinéaste à son temps, Lang ayant régulièrement fait part de sa volonté de documenter son époque -principe mis en oeuvre aussi bien dans M que dans Fury, par exemple . S’y superpose l’image d’une personnalité complexe, celle d’un homme méticuleux à l’extrême, d’un réalisateur « doté d’un £il de peintre », tyran redouté et respecté sur ses plateaux, expert à nourrir son propre mythe, mais sachant aussi faire preuve d’une exceptionnelle faculté d’adaptation lorsqu’il lui faudra se fondre dans le système hollywoodien. Différents thèmes bénéficient par ailleurs d’un éclairage particulier. Ainsi, du couple que Lang forma, dans sa première période allemande, avec la scénariste Thea von Harbou – « Nous avons été mariés onze ans parce que pendant dix ans nous n’avons pas trouvé le temps de divorcer », dira cette dernière; de son intérêt pour le western (il en tournera 3, dont l’épatant Rancho Notorious), dans lequel il voyait « la grande légende nationale américaine, comparable aux Nibelungen pour l’Allemagne… « ; ou de l’ampleur de sa vision, largement illustrée par Metropolis. Riche et abondante, l’iconographie achève de faire de cette somme inépuisable un ouvrage d’exception: ce n’est pas seulement le parcours d’un artiste visionnaire qui s’y déploie, c’est aussi un demi-siècle qui s’y trouve mis en perspective. Un must.

J.F. PL.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content