Frère lumière

Rundskop

Né en 1977 à Wilrijk, d’un père originaire d’Athènes et d’une mère anversoise, Nicolas Karakatsanis ne bénéficie pas de la même aura médiatique que l’on se situe en deçà ou au-delà de la frontière linguistique. En Flandre, son travail est suivi de près, il est quasiment un BV. Du côté francophone, les choses sont tout autres malgré des faits d’armes assez considérables, ne serait-ce que son intervention en tant que directeur de la photographie sur l’excellent I, Tonya de Craig Gillespie (actuellement dans les salles).  » Cette comédie sombre possède plusieurs niveaux de lecture. Ce qui m’a particulièrement intéressé, c’est le fait que le film montre l’avènement de l’infotainment aux États-Unis a bouleversé notre rapport au monde. Soudain, l’histoire d’une patineuse est plus importante que la question de la faim dans le monde« , explique-t-il pour justifier sa collaboration à une aventure dont l’univers -celui du patinage- ne l’avait pas séduit de prime abord. Étant donné qu’il est parfaitement bilingue, les raisons de son absence de notoriété au sud du pays ne sont pas à chercher du côté d’un éventuel problème de communication. Faut-il croire que s’il était intervenu sur des longs-métrages français, les choses seraient différentes? Peut-être. Il confesse:  » J’ai bien un agent à Paris mais ma relation avec le cinéma français n’est pas fluide. Je reçois des propositions, je les lis mais souvent je n’accroche pas. » Tout cela est regrettable car en matière de cinéma Karakatsanis est l’un de nos talents les plus certains. C’est d’autant plus amusant que son parcours n’est pas vraiment académique: il n’a jamais terminé l’école, en l’occurrence Sint-Lukas à Bruxelles. Qu’il s’agisse de postproduction à Berlin ou de réalisation pour aider des amis, il a toujours été repéré pour « son oeil ». Avec un frère réalisateur (Dimitri Karakatsanis), on pourrait facilement imaginer le virus implanté dans l’ADN familial. Visuellement, les Karakatsanis se sont pourtant faits tout seuls.  » Je n’ai jamais été assistant, ni réalisateur« , plaide celui qui a appris le métier sur le tas. Cette sensibilité aux tonalités et aux lumières, Nicolas Karakatsanis les promène souvent du côté du champ artistique.  » Il m’a souvent été donné de travailler avec des artistes. J’étais alors derrière la caméra, cela m’a apporté beaucoup, je me sentais comme un gamin dans un magasin de bonbons. J’ai par exemple réalisé plusieurs courts-métrages en compagnie du peintre Michaël Borremans. C’est grâce à lui que je m’autorise à poser un regard romantique sur le monde. Je me sens plus proche de lui que d’un travail plus intellectuel comme celui de Luc Tuymans. Michaël m’a appris à concevoir une oeuvre directe, avec de la chair et universelle, dans laquelle le beau n’est pas un tabou. Pour le regardeur, c’est l’occasion d’accrocher une émotion à une oeuvre. » Parmi ses influences, Nicolas Karakatsanis cite aussi le photographe Robert Adams et, de manière plus étonnante… Manet.  » Sa palette me transporte, je n’aborde jamais un travail sans me demander comment Manet ferait. »

I, Tonya
I, Tonya

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