Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DE LAURENT CANTET. AVEC KATIE CORSINI, RAVEN ADAMSON, CLAIRE MAZEROLLE. 2 H 23. SORTIE: 13/03.

Legs, Maddy et leurs copines se la jouent bande d’ados à la marge, entre ville et campagne, provocations et guet-apens pour pervers, rejetant l’autorité tout en rêvant d’utopie féministe. Rebelles au machisme et au conservatisme ambiant, elles le sont aussi à cet ennui qui pouvait marquer la vie dans l’Amérique provinciale (le nord de l’Etat de New York) du milieu des années 50. Les héroïnes de Foxfire, Confessions of a Girl Gang, le roman de Joyce Carol Oates paru en 1993 (1), prennent vie de belle et singulière façon dans l’adaptation qu’en donne Laurent Cantet. Porté une première fois à l’écran par Annette Haywood-Carter (et avec Angelina Jolie) en 1996, cette chronique de la vie, des espoirs et des déceptions d’un « girl gang » comme les fifties en virent pour la première fois fleurir n’a rien d’hollywoodien. La reconstitution est d’une grande sobriété, le jeu des jeunes actrices résolument naturaliste, la tentation du pathos réduite à sa plus simple expression. Quant à la mise en scène, fluide et précise, elle se fait oublier au point d’engendrer subtilement une impression par endroits quasi documentaire.

Le réalisateur français du formidable L’Emploi du temps et d’une Palme d’Or cannoise parmi les plus surprenantes (Entre les murs) n’a pas traversé l’Atlantique pour y filmer à l’américaine. En tout cas pas à la mode d’aujourd’hui, car son style au trait sec et son approche réaliste peuvent évoquer un certain cinéma de genre à petit budget de ces fifties où se déroule l’action. On retrouve aussi, héritée de l’expérience avec les lycéens d’Entre les murs, cette manière qu’a Cantet de travailler le microcosme, de capter l’urgence d’interprètes tout neufs et pleins d’énergie juvénile. Et même situé voici un demi-siècle et plus, Foxfire, confessions d’un gang de filles prend une modernité certaine, éveillant des échos de révoltes plus récentes, comme celles de « Ni putes ni soumises » dans les cités françaises, ou des Pussy Riot défiant tout à la fois l’Eglise et Poutine… L’universalité du film venant de son côté intemporel, de sa force intérieure due à ces filles qui l’animent et dont certaines (Raven Adamson en Legs, surtout) cannibalisent l’écran. A l’heure où d’autre rébellions juvéniles fleurissent dans le contexte de la crise, et où le genre féminin voit encore (de nouveau, parfois…) sa liberté réduite ou menacée, l’histoire contée par Joyce Carol Oates et filmée par Laurent Cantet nous parle au présent, très directement!

(1)TRADUIT EN FRANÇAIS DANS LA COLLECTION COSMOPOLITE DE CHEZ STOCK.

LOUIS DANVERS

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