Le livre? Fini, déclassé, obsolète, enterré. Redu? Bientôt un village fantôme. La bibliothèque royale? Une future annexe du musée de la préhistoire. La bonne blague! On a bien failli tomber dans le panneau. Il faut dire que les Cassandre mettaient du c£ur à l’ouvrage, balançant des cocktails molotov au carburant hautement inflammable: les jeunes ne lisent plus, le Net consacre le triomphe de l’image, le papier est responsable de la déforestation, etc. Gutenberg lui-même aurait fini par douter de sa géniale invention. Heureusement, la baudruche se dégonfle lentement mais sûrement. De même que la télévision n’a pas cloué le bec à la radio, le Net ne devrait pas avoir la pulpe du livre. Ouf! Après cet uppercut qui a fait vaciller les amoureux des mots, place à la contre-attaque. Orches- trée par les écrivains puncheurs eux-mêmes. Peu enclins à tendre l’autre joue, ils se mettent enfin à la page… technologique. Et plus seulement pour troquer le stylo contre un Mac flambant neuf. Mais bien en s’infiltrant derrière les lignes « ennemies ». La meilleure défense n’est-elle pas l’attaque? On a ainsi vu se multiplier ces dernières semaines les raids coordonnés sur 2 fronts: numérique d’une part, éditorial de l’autre. Dan Brown et Jacques Attali ont essuyé les plâtres avec leurs derniers bouquins. Plus affûté encore, Didier van Cauwelaert débitait carrément cet été un roman pour la jeunesse – le premier volet des aventures de Thomas Drimm – en feuilleton pour téléphones portables. De quoi envoyer dans les cordes les pessimistes de tous poils et les 1konditionels 2 langaj SMS. Dans la foulée, ce sont les poids lourds du savoir qui montent sur le ring. Umberto Eco et Jean-Claude Carrière, deux B-52 de la culture savante et néanmoins truculente, balancent leurs ré-flexions au napalm dans un manifeste (1) qui laissera groggy l’adversaire. Leurs arguments coups de poing: Internet a remis l’alphabet au c£ur de la civilisation; le livre, comme la cuillère ou la roue, fait partie de ces innovations indépassables; on n’a jamais autant lu que depuis que les ordinateurs existent; l’écriture est le prolongement quasi biologique de la main… Finaud, Umberto Eco ne prédit pas la survie du livre dans sa forme classique, mais bien de sa structure. L’esprit de l’imprimé plus que la lettre en somme. Et de préciser qu’un e-book, c’est encore et toujours un livre. Du reste, condamner le papier est aller un peu vite en besogne. Pour preuve, alors que les livres numériques brassent l’air, de plus en plus de sites Internet d’information envisagent sérieusement une reconversion ou un prolongement sur support physique. Bakchich a franchi le pas, Mediapart (le projet d’Edwy Plenel) y pense sérieusement. Un comble! De quoi mettre les bibliophobes définitivement au tapis…

(1) N’espérez pas vous débarrasser des livres, Éditions Grasset, 340 pages.

Par Laurent Raphaël

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