LE RÉALISATEUR DE THE HELP S’EMPARE DU DESTIN AGITÉ DE JAMES BROWN, LE GODFATHER OF SOUL. LA MATIÈRE EST PASSIONNANTE, LA MANIÈRE UN PEU MOINS.

Get on Up

DE TATE TAYLOR. AVEC CHADWICK BOSEMAN, NELSAN ELLIS, DAN AYKROYD. 2 H 19. DIST: UNIVERSAL.

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« En tant que cinéaste, mon rôle est de raconter aux gens ce qu’ils ignorent du personnage, d’en éclairer les zones d’ombre afin de déjouer les évidences, et d’éviter de les ériger en clichés« , nous confiait Tate Taylor en septembre dernier à Deauville, où Get on Up était présenté hors compétition. L’exercice du biopic, on le sait, est un champ de mines créatif, prêtant le flanc aux pires travers, des dérives hagiographiques aux tentations wikipédiesques. L’intention est louable, donc: raconter l’homme derrière la légende. Celle qui, de ses débuts dans les années 50 à sa mort en 2006, fit de James Brown l’une des figures les plus influentes, et les plus samplées, de l’Histoire de la musique populaire, performeur surdoué abonné aux surnoms -The Godfather of Soul, Mister Dynamite, The Hardest Working Man in Show Business- comme aux succès, aux flamboyances comme aux excès…

S’ouvrant sur un Brown (Chadwick Boseman, investi) quasi sexagénaire et sur le retour, à l’entame des nineties, le film remonte le temps, strate par strate, puis rebat les cartes du passé, sautant les décennies dans un sens puis dans l’autre au gré d’une structure organique où les époques communiquent entre elles, rendant justice à l’énergie vorace de l’icône funk, ogre mégalo que son perfectionnisme maladif contribuera largement à rendre infréquentable. Tate Taylor: « Cette narration éclatée est plus qu’un simple gimmick: elle m’a permis de raconter des épisodes connus de tous mais en faisant dialoguer les différentes époques de son existence à travers eux. En multipliant les allers-retours sur la ligne du temps, en montrant le petit garçon à l’intérieur de l’homme, et l’homme à l’intérieur du petit garçon, il y a tout un réseau de causes et d’effets qui se tisse, et en dit bien plus long sur James Brown qu’un simple alignement de faits bruts.  »

Paradoxalement, c’est là aussi l’une des principales faiblesses du film. De ce grand essorage chronologique, Get on Up sort en effet conditionné par l’idée un peu écrasante d’un destin à accomplir, et embrasse au passage quelques poncifs de taille propres au biopic musical tels que moqués par exemple dans l’hilarant Walk Hard de Jake Kasdan (parodie du Walk the Line sur Johnny Cash): star vieillie qui s’apprête à remonter sur scène et se souvient, acharnement à vouloir justifier toutes les errances d’une vie par l’enfance du personnage…

Si James Brown n’a cessé de bousculer les règles en vigueur, Tate Taylor, lui, finit toujours par s’y conformer, diluant l’originalité endémique de l’artiste dans la tiédeur d’une reconstitution trop sage et bien peignée. En clair, il manque à l’entreprise cette étincelle de folie que le sujet réclamait pourtant -on ose à peine imaginer ce qu’un Scorsese aurait pu tirer de pareille matière…

BLU-RAY DISPONIBLE À PARTIR DU 28 JANVIER.

NICOLAS CLÉMENT

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