PLUS DURE SERA LA CHUTE. DENZEL WASHINGTON ÉVITE UN CRASH AÉRIEN SOUS L’EMPRISE DE SUBSTANCES DIVERSES, MAIS NE PEUT EMPÊCHER ZEMECKIS DE PLOMBER UN FILM EN PILOTAGE AUTOMATIQUE.

DE ROBERT ZEMECKIS. AVEC DENZEL WASHINGTON, JOHN GOODMAN, DON CHEADLE. 2 H 18. SORTIE: 30/01.

Voilà plus de dix ans et le fort estimable Cast Away que Robert Zemeckis n’avait plus tourné de film en prises de vue réelles, s’en tenant, depuis The Polar Express, à des bricolages en 3D et en « performance capture » à la réussite inégale -euphémisme. Flight vient donc refermer une longue parenthèse, consacrant le retour aux affaires d’un poids lourd du cinéma hollywoodien, l’auteur de la trilogie Back to the Future, de Who Framed Roger Rabbit et autre Forrest Gump pour ne citer que ceux-là. Au coeur du film, deux individus aux destins bientôt convergents: Nicole (Kelly Reilly), une photographe toxicomane en mal de décrochage, et Whip Whitaker (Denzel Washington), un capitaine qui va faire valoir sa science du pilotage alors qu’il est aux commandes d’un avion en perdition, réussissant miraculeusement à le faire atterrir dans un champ et à sauver, ce faisant, 96 des 102 personnes à bord. Le genre de prouesse devant, a priori, lui valoir un costard de héros et la reconnaissance de la nation, encore qu’il y ait un hic, et de taille: le gaillard était chargé comme pas deux au moment des faits, s’étant remis d’une nuit agitée avec un cocktail explosif de coke et de vodka orange.

Sympathy for the Devil

Si tout cela est assurément quelque peu tiré par les cheveux, il y avait là potentiellement la matière d’un drame passionnant voire complexe, celui auquel Zemeckis semble d’ailleurs vouloir s’atteler dans un premier temps, tandis qu’une commission se met à enquêter sur les circonstances de l’accident. Mais voilà, sa ligne de défense adoptée avec l’aide avisée, si pas toujours morale, de ses conseillers, Whitaker se met pourtant à louvoyer. C’est bientôt le film qui bat de l’aile avec lui, la suite du scénario, marquée du sceau de la rédemption et de la repentance, semblant issue d’un atelier d’écriture d’une ligue de tempérance. Autant dire que d’aspérités, il ne sera plus guère question alors que Denzel Washington, consciencieux au demeurant, entame son long chemin de croix, le seul John Goodman venant donner le change à grand renfort de stupéfiants (et au son du Sympathy for the Devil des Stones, histoire de bien marquer son territoire).

Son ouverture lui tenant lieu de programme -après la chute libre viendra le rachat, au prix de quelque acrobatie-, Flight évolue dès lors pour l’essentiel en pilotage automatique sur une ligne consensuelle venue le vider de toute substance (euphorisante ou non). On est loin, en tout état de cause, et s’agissant notamment d’un film sur l’addiction à l’alcool, de TheLost Week-End de Billy Wilder ou de Leaving Las Vegas de Mike Figgis, reflets d’un autre Hollywood il est vrai.

Cela posé, on ne saurait contester à Zemeckis un évident savoir-faire: la scène d’ouverture montrant l’avion en détresse est à couper le souffle -ou plutôt à vous dissuader de jamais remettre les pieds dans un zinc, à jeun ou non.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content