Molyneux, l’affabulateur – Entre Charles Dickens et Oscar Wilde, Fable II repense les jeux de rôle en y ajoutant une dimension sociale profonde, façon Sims. Mais est-ce suffisant?

Edité par Microsoft Games et développé par Lionhead Studios, âge 16+, disponible sur Xbox 360.

Peter Molyneux a toujours enfanté des concepts vidéoludiques de haut vol, loin de la platitude gangrenant le medium joystick lorsqu’il s’agit de productions mainstream. A bientôt cinquante ans, ce Britannique auréolé, en France, du titre de Chevalier de l’Ordre des Arts et Lettres s’obsède encore à décortiquer le bien et le mal. Se jouant des raccourcis manichéistes, le game designer amenait les joueurs des années 90 à comprendre pourquoi l’immoralité est parfois une nécessité dans Theme Park, Syndicate ou Dungeon Keeper. Aujourd’hui, le créateur des séminaux Populous et Black & White (qui a influencé Spore!) revient avec Fable II sur Xbox 360. Un jeu de rôle orienté action, teinté d’expérience sociale façon Sims, qui affûte et sublime les idées du précédent volet. Non sans quelques sérieuses anicroches.

Suintant la misère infantile et illuminé de la magie d’un conte de Dickens, les ruelles enneigées de Bowerstone, la capitale du monde d’Albion, s’assoupissent au son d’une boîte à musique mécanique. Dès les premières minutes, Fable II enveloppe le joueur de références européennes. Gorgés d’heroic fantasy et techniquement éblouissants, les visuels 3D optent pour un style BD européen rare face au parti pris souvent photoréaliste ou manga de ce type de production. D’emblée, le scénario confronte le joueur au choix d’un garçon ou d’une fille de sept ans. Mais contrairement à Fall Out 3 ou à The Elder Scrolls IV: Oblivion, Fable II ne demande pas de dessiner les compétences et encore moins le physique de son héros. Rejoignant l’idée du Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, Peter Molyneux a concocté une mécanique de jeu jubilatoire… sur papier.

De Dorian Gray aux Sims

Les traits du protagoniste – vieillissant tout au long de la quête – seront ainsi façonnés par la nature bonne ou mauvaise de ses actions. La foule de potions, d’aliments et autres boissons soignantes influent également sur la corpulence du personnage. L’ambition finale de Molyneux étant de montrer au joueur le visage de sa vraie nature – qui le rattrapera dans ses comportements virtuels. Plus qu’une simple pirouette de style, cet exercice influence directement le gameplay du jeu. Rendre service à un jeune garde en début de partie permettra d’obtenir ses faveurs et ainsi des ristournes auprès de commerçants dix ans plus tard, lorsqu’il sera devenu chef de la police. Chaque personnage croisé affiche d’ailleurs une opinion détaillée de son héros.

Fable II tient ainsi autant d’un Zelda que d’un Sims. Cet univers déploie des trésors de gameplay articulés autour de la sociabilité. Dans les villes, villages ou hameaux, n’importe quelle bâtisse peut être achetée puis meublée selon ses goûts. On peut également se marier, en faisant exploser les statistiques de l’élu(e) de son c£ur en sa faveur. Pour y arriver: menus cadeaux, sourires (on peut donner des expressions de visage aux gens qu’on croise dans la rue), statue à son effigie et autres chansons de bardes (qui commentent chacune de nos actions!) aideront. Bref, du Sims avec mariage, divorce et achats de meubles à la clef.

Avec Fable II, Molyneux déclarait vouloir « faire le meilleur jeu de rôle de tous les temps ». Mais au final, son monde ouvert, articulé autour d’une quête principale et d’objectifs annexes, titube. Soporifiques malgré une pluralité d’actions offensives (entre armes blanches, armes à feu et magie), les combats se ressemblent. Le mode coopératif deux joueurs et l’idée d’un compagnon canin reniflant les trésors séduit. Tout comme la foule de causes à effets (libérer les prisonniers d’un esclavagiste après un combat en déclenche un second avec ce dernier). La willing suspension of disbilief (la suspension temporaire de crédulité) ne parvient cependant pas à occulter les nombreux bugs (sonores et visuels) et incohérences du jeu. Difficile à avaler lorsqu’on sait qu’il s’agit d’une seconde copie…

Michi-Hiro Tamaï

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