Tu n’aimeras point – Dans un premier film troublant, Haim Tabakman dépeint une passion homosexuelle dans la Jérusalem ultra-orthodoxe. Une ouvre forte…

De Haim Tabakman. Avec Zohar Strauss, Ran Danker, Tinkerbell. 1 h 30. Sortie: 02/12.

Vie de famille rangée et articulée autour de sa femme et de ses 4 enfants, vie sociale conforme aux usages, Aaron est un membre respecté de la communauté juive ultra-orthodoxe de Jérusalem. Vient le jour où Ezri, un étudiant de 22 ans, franchit la porte de sa boucherie. S’il l’accueille sans guère d’entrain, Aaron l’engage pourtant comme apprenti – le début d’un lent processus qui verra leur relation évoluer insensiblement. Jusqu’à menacer bientôt les fondements même de l’existence du père de famille modèle, troublé par le nouveau venu au point de négliger ses proches et ses obligations…

Dans un environnement où l’homosexualité n’est même pas envisageable, son comportement, quoique discret, a le don d’entraîner des réactions en cascade. Au règne de la rumeur succèdent les pressions, douces dans un premier temps, s’agissant d’un rabbin plutôt compréhensif mais aussi soucieux d’éviter les vagues; violentes, ensuite, dans le chef des membres les plus radicaux de la communauté qu’a osé braver Aaron. Lequel, mis au ban de ce microcosme étouffant et tenaillé par la culpabilité, se voit bientôt confronté à un choix épineux.

Un tabou, en finesse

Premier long métrage du jeune cinéaste israélien Haim Tabakman, Eyes Wide Open s’empare avec justesse et à propos d’un tabou. La manière est subtile, et le film agit en profondeur, tant le réalisateur excelle à poser une situation d’ensemble, comme à dépeindre un environnement singulier, prompt et résolu à condamner la passion qui affleure, et quiconque s’y abandonnerait. Une matière a priori aride, pour un drame qui ne tarde pas à absorber le spectateur, à la mesure de la mise en scène, qui allie pudeur des gestes et intensité des sentiments, répondant la finesse de l’interprétation.

Celle de Zohar Strauss est rien moins que remarquable, tant il réussit à rendre perceptible l’intensité du désarroi dans lequel se voit plongé cet homme confronté à la contrainte sociale et morale. A travers son destin, c’est d’ailleurs un vibrant plaidoyer pour la liberté, sexuelle et individuelle, que délivre le cinéaste. Non sans joliment crosser au passage l’intolérance et l’absolutisme religieux. A pas feutrés, mais avec une force indéniable, Eyes Wide Open fait ainsi assurément £uvre utile, tout en résonnant d’une belle vérité humaine.

C’est dire la qualité d’ensemble d’un film venu témoigner encore, si besoin en était, de l’étonnante et stimulante vitalité du cinéma israélien.

Jean-François Pluijgers

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