Eye Contact ****

© National

L’homme fin au regard fuyant qui se faufile dans les rues et les transports en commun de cette grande métropole vaguement new-yorkaise n’a pas de nom, mais il n’en a pas besoin. Il ne communique pas. Il suit, file, observe puis dessine, en respectant la règle de tous les détectives-dessinateurs en cours de filature: surtout pas, jamais, de “eye contact”, de contact visuel. “Ne jamais croiser le regard de la personne suivie. Dans ce cas, son cerveau enregistre votre visage et si elle vous recroise, elle vous reconnaîtra.” C’est hors de question pour cet observateur qui garde le monde à distance pour mieux, croit-il, en scruter et croquer les âmes errantes. “Dessiner, c’est avant tout observer”, et “voir sans être vu”. Jusqu’au jour où il croise accidentellement le regard de celle qu’il n’arrive pas à dessiner, une boule d’énergie aux antipodes de sa réserve, qui s’invente un monde avec deux points dessinés sur la main, qui n’hésite pas à crier dans la foule et qui ne compte, pour seul refuge, que son excentricité. Son monde à lui va basculer, le chasseur va devenir proie, et le dessin, soudain, s’avérer “trop faible pour vraiment capturer le lien qui nous lie”…

© National

Premier roman graphique plutôt original du Suisse Simon Beuret, Eye Contact devrait effectivement taper dans l’œil des amateurs, qu’ils soient de romance subtile ou de “discours sur le dessin”, puisqu’il s’agit bien de ça: la solitude du praticien, l’obsession de la pratique artistique, et puis cette quête du trait juste, plus que parfait. Les meilleurs pages sont d’ailleurs celles directement vouées à ce “récit dans le récit”, plein d’onirisme et de poésie. Une poésie rehaussée par cette bichromie maligne, ni diurne ni nocturne, qui plonge le récit dans une atmosphère planante et vaporeuse, aussi légère qu’un trait de plume.

de Simon Beuret, éditions Atrabile, 168 pages.

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