Taschen jette un nouveau pavé dans la mare de la morosité. En 2009, l’éditeur allemand sortait de ses chaînes de montage une grosse berline retraçant le parcours photographique de Dennis Hopper dans les années 60, entraperçu avec jubilation à la rétrospective que la Cinémathèque française consacrait en 2008 à l' »easy rider ». Deux ans plus tard, voici la version citadine et posthume de Dennis Hopper: photographs 1961-1967, l’acteur mythique ayant eu la mauvaise idée de casser son cigare entretemps. Une réplique à l’identique (540 pages) mais en format « réduit » (comptez quelques kilos quand même). Que trouve-t-on sous le capot orné de cette fresque urbaine résumant avec la grâce mélancolique d’un tableau de l’autre Hopper une époque, les sixties donc, et une ville-aimant, Los Angeles? Des centaines d’images en noir et blanc (dont une bonne partie inédites) sculptées dans la pâte de ces années glorieuses par le pape du Nouvel Hollywood dont le cinéma, devant puis derrière la caméra, n’était en fin de compte que la partie émergée d’une créativité débridée et volcanique qui trouvera aussi un exutoire dans la photo ou la peinture. C’est James Dean, rencontré sur le tournage de Rebel without a cause et devenu aussitôt un ami et un mentor, qui incita le novice à élargir son répertoire artistique. Un geste naturel pour celui qui admirait l’expressionnisme abstrait et qui allait trouver dans la clique avant-gardiste du pop art west coast une seconde famille. Depuis cet instant, le futur reporter allumé d’ Apocalypse Now ne sortira plus sans son Nikon, enregistrant tous les battements d’une vie arty brûlée par les 2 bouts. Qu’il s’essaie à l’abstraction pure et dure (de gros plans d’affiches décaties, des paysages de sable…), qu’il joue les anthropologues au Mexique ou les photojournalistes dans le sillage de Martin Luther King en Alabama, ou encore qu’il se glisse dans l’intimité de ses amis stars (de Andy War-hol à Roy Lichtenstein en passant par Ike et Tina Turner), cet artiste complet a toujours privilégié les rides d’une exposition naturelle au mascara des poses glamour. Avec cette audace subversive et borderline qui fera le sel de ses apparitions sur grand écran, de The last movie à Blue Velvet, il radiographie l’Amérique, côté cour plutôt que jardin. La photo était sa bouée de sauvetage. Comme pouvait l’être l’écriture pour un Kerouac, autre écorché magnifique. Au final, en une décennie, il a empilé plus de souvenirs que d’autres ne pourraient le faire en une vie… l

DENNIS HOPPER: PHOTOGRAPHS 1961-1967, ÉDITIONS TASCHEN.

POUR AVOIR UN APERÇU DES PHOTOS DE DENNIS HOPPER, RENDEZ-VOUS SUR WWW.FOCUSVIF.BE

LAURENT RAPHAËL

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content