L’open space m’a tuer. Every Day Is The Same Dream tente de détruire la quotidienneté du travail en entreprise sur un ton inhabituellement introspectif.

Édité et développé par La Molleindustria, âge NC, disponible sur PC (via www.molleindustria.org).

Comme l’ont démontré les dernières élections américaines et européennes, le microcosme du jeu vidéo indépendant se mêle rarement de politique et de questions d’actualité. Seule une poignée d’initiatives éducatives pointent çà et là à l’image du site Play The News. Et quelques parodies aussi, proches de la démarche d’un illustrateur politique ou satirique comme en témoigne Kung Fu Election, resucée jubilatoire du célèbre Mortal Kombat avec McCain, Palin, Obama et les autres. Le travail engagé et régulier de Paolo Pedercini et de La Molleindustria , son collectif, fait donc figure d’exception dans le paysage vidéoludique en Flash. Dernière production de ce studio indé italo-américain, Every Day Is The Same Dream crache sur nos modèles de productivité en entreprises.

Militantisme

Professeur de game design indie pour l’université de Carnegie Mellon à Pittsburgh, Paolo Pedercini est un militant du joystick. De ceux qui prônent des « jeux radicaux contre la dictature de l’entertainment ». Son programme demande ainsi aux étudiants de développer des jeux jouables possédant entre autres des valeurs politiques tandis que ses cours décortiquent l’idéologique des mécaniques de jeu. Et pour cause, le game designer italien fraîchement installé aux Etat-Unis compte à son actif une dizaine de titres praticables gratuitement en ligne et traitant tous de sujets brûlants.

Si les jeux Flash de Pedercini prennent la forme de productions naïves aux graphismes BD tapissés d’aplats de couleurs acidulés, c’est pour mieux détonner avec un contenu flirtant parfois aux frontières de l’horreur, notamment via Operation Pedopriest. Un titre qui, comme son nom l’indique, amène le joueur à stopper les agissements de prêtres déviants. Les grands maux contemporains comme la malbouffe et le pétrole passent aussi dans la moulinette du professore.McDonald’s Videogame, titre de gestion d’un fast-food façon Sim City sous acide fait ainsi écho à Oiligarchy et ses coups bas pour l’or noir. Sans oublier le thème de la liberté d’expression et du partage de la culture abordé légèrement dans des jeux d’arcade comme The Free Culture Game et Enduring Indymedia.

Inhabituellement introspectif mais toujours aussi critique envers le néolibéralisme, le récent Every Day Is The Same Dream brosse la vie d’un homme lié à son entreprise et enfermé dans une boucle infernale qui n’est pas sans rappeler Un jour sans fin de Harold Ramis. Le tout dans un cercle vicieux « réveil, embouteillage, boulot », dont il faudra s’échapper en changeant ses habitudes quotidiennes. Un travail en noir blanc sans texte ni parole où l’auteur passe à la vitesse supérieure, rejoignant le travail d’un game designer comme Jason Roher ( The Passage). Brillant, le discours de Pedercini est également ambivalent. La Molleindustria a ainsi déjà réalisé 4 advergames (jeux vidéo promotionnels) de commande pour des compagnies comme la Fox, MTV et l’industrie européenne de PVC. Pour détruire le système, sois le système?

Michi-Hiro Tamaï

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