Essais

L’image d’Ernst Jünger demeurera pour toujours liée aux monstruosités et aux excès du XXe siècle. Fuyant le milieu bourgeois dans lequel il était né pour s’engager, mineur, dans la Légion étrangère, il multiplie ensuite les actions de bravoure tout au long de la Première Guerre mondiale -expérience dont il tire un premier roman, qui éblouit André Gide: Orages d’acier. Pendant la Seconde Guerre mondiale, officier de la Wehrmacht occupant Paris, il accepte tout de même de se rendre dans le Caucase afin de déterminer quel soutien pourrait recevoir le putsch contre Hitler que conçoivent certains de ses amis. Sa participation à l’effort de guerre allemand, malgré son opposition viscérale au nazisme, lui vaut une interdiction de publication qui ne sera levée qu’en 1949. Ensuite, Jünger multiplie les essais, les récits, les journaux intimes, témoignant tous de son prodigieux appétit de culture, de son aspiration jamais démentie à la grandeur, de sa clairvoyance quant à la montée du règne des machines et de la technique. Pessimiste sans cynisme, froidement lucide, il était aussi un styliste hors-pair, ciselant la langue avec la même précision qu’il mettait à observer la vie des insectes, qui le passionnaient. La publication de ses journaux de guerre dans La Pléiade, en 2008, avait déjà contribué à préciser un peu l’image d’un homme à l’aura longtemps demeurée floue dans le monde francophone. Avec la collection d’essais majeurs, couvrant l’entièreté de la carrière de Jünger, que l’on doit aujourd’hui à Julien Hervier, peut-être pourra-t-on enfin voir en lui une figure essentielle de la pensée de la seconde moitié du siècle dernier -un penseur qui avait fait de l’inquiétude et de la hantise pour une pureté impossible ses moteurs. Le Travailleur (1932), La Paix (1943), Le Traité du rebelle (1951) ou Les Ciseaux (1990) méritent tous de se retrouver dans la bibliothèque de toute personne cultivée digne de ce nom. Il n’y en a pas de meilleure édition que celle-ci.

Essais
© Getty Images

d’Ernst Jünger, éditions le livre de poche/La Pochothèque, 1 160 pages.

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