Cosmopolite et audacieux, le Kunst bilingue rêve de Bruxelles comme d’une vitrine de la culture mondiale du 21e siècle. Jusqu’à fin mai, entre robots et diapos, Chine et Jésus féminine, il souligne notre époque marquée par les catastrophes. Visite guidée…

Le mot c ontemporain fait peur. « C’est le mot qui tue, précise Christophe Slagmuylder, 40 ans, copatron du Kunst, avec son comparse financier Roger Christmann. Le Kunst s’intéresse à l’expression contemporaine, c’est vrai, mais veut sortir des cercles et créer de nouveaux liens. Il faut que cela se frotte, que cela se mélange. «  Depuis sa première édition en 1996, le Kunstenfestivaldesarts va chercher à Buenos Aires, Berlin ou Bruxelles, la beauté et le sens du monde. Une sorte d’espéranto poétique transgenre qui n’a peur de rien et se moque des étiquettes. Théâtre, danse, performance, musique, images et sons polymorphes, ce qui compte, c’est la façon dont un spectacle fait résonner nos espoirs et nos désirs. Cette année, comme toujours, le chemin est large: il va de l’histoire d’un petit Jésus femme née dans un village hongrois (Bela Pinter, photo) à l’alchimie musicale du compositeur et metteur en scène allemand Heiner Goebbels. Malgré des problèmes d’argent, cette treizième édition est toujours gourmande de sensations nouvelles. Aller voir un spectacle du Kunst -une trentaine sur trois semaines dans une vingtaine de lieux – c’est un peu s’abandonner à un vieil ami qui vous voudrait du bien. « Nous avons un public hardcore qui prend un abonnement et dévore tous les spectacles, nous avons un beau capital confiance qui ramène environ vingt mille personnes à chaque édition, s’enorgueillit Christophe Slagmuylder . Plus de gens qu’on ne le croit ont envie d’être autre chose que simple consommateur. Et dans ce schéma, Bruxelles apparaît comme une ville unique, une sorte d’île qui ne parviendrait pas à se rattacher à l’un ou l’autre côté de la Belgique. Bruxelles a un esprit particulier qui profite du laxisme de la ville, de ses espaces libres, une sorte de mollesse qu’elle transforme en positif. A Bruxelles, on perçoit ce qui se fait dans le monde entier.  » C’est sans doute parce que Bruxelles est cette curieuse capitale, à la fois borgne et lumineuse, qu’elle peut développer les rêves urbains les plus fous. Parce que le Kunst, c’est d’abord une histoire de villes. Et chaque soir, l’après-spectacle prend ses quartiers au Beurschouwburg, au centre du centre, en face de la Bourse. Un endroit nomade où il y a à boire, à manger, à danser et plus, si affinités.

BRUNO BELTRAO & GRUPO DE RUA DE NITEROI – H3

Troisième visite pour ce chorégraphe brésilien qui a commencé très jeune dans le street art à Rio. Après avoir étudié la danse contemporaine, il se met à imaginer des spectacles où l’instinct urbain est canalisé et enrichi par des techniques affinées:  » Pour ce nouveau show, Bruno a fait des auditions dans tout le Brésil et a donc recruté des danseurs qui ont une grande variété de styles, de mouvements. Son idée est de briser les clichés virils du hip-hop et de détourner l’image de Brésilien des rues. Il fait par exemple danser les solistes ensemble, ce qui est plutôt rare dans la street culture, très individuelle. Il a beaucoup travaillé sur le toucher et il utilise des musiques absolument pas rythmées, de l’electro doux, de l’ambient, ce qui change complètement la dynamique des mouvements, les codes et habitudes… »

A la Raffinerie du Plan K, les 12, 13, 15, 16, 17 et 18/05.

KRIS VERDONCK – END

Visiblement, l’un des chouchous du festival puisque ce jeune Flamand de moins de trente ans en est à son quatrième Kunst. Un univers décalé et décapant, comme dans ce spectacle passé où une série de corps endormis – par hypnose ou par médicaments… – sont « visités » par les spectateurs. « Dans End , Verdonck raconte une sorte de phase finale de la société humaine avec des tableaux apocalyptiques de banquise fondante, de forêts en flammes, etc., explique Slagmuyder. Un témoin ultime parle de tout cela alors que des créatures mi-hommes mi-machines traversent la scène. Sans qu’on l’ait forcément voulu comme tel, on s’est rendu compte que cette création de Verdonck et d’autres spectacles de cette édition forment une sorte de puzzle autour de notre époque vécue comme une catastrophe. »

Au Kaaitheater les 9, 10, 11 et 13/05, en anglais avec titrages français et néerlandais.

WILLIAM YANG – CHINA

Voilà certainement l’un des moments les plus attachants de cette édition: l’exploration intime, drôle mais aussi universelle d’un conteur/raconteur australien parti à la découverte de ses racines chinoises. Une sorte d’ Exploration du monde avec un contenu…  » Dans son travail, William Yang photographie les gens de passage, raconte ses rencontres, ses amis, les lieux visités. Parce que ses grands-parents étaient nés en Chine, il s’y est rendu. Il raconte quatre périples effectués entre 1989 – juste après l’insurrection de la place de la Tian’anmen – et 2005, et l’extraordinaire changement de ce pays durant cette période. On lui parlait en chinois et il ne comprenait pas… Il pose des questions universelles sur la notion d’identité et en plus, il a de l’humour.  »

Au Théâtre 140, du 28 au 31/05. Kunstenfestivaldesarts du 9 au 31/05 à Bruxelles.. www.kfda.be

TEXTE PHILIPPE CORNET

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