Épisode 7: la serviette

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Il y a un dandysme du plagiste. Ce dandysme est d’autant plus puissant qu’il se veut subreptice, discret, attaché à des détails en apparence insignifiant. Il peut s’agir de la décoration presque subliminale d’une paire de tongs, signalant à qui sait voir qu’il ne s’agit pas de sandalettes en plastique à deux euros. Il peut s’agir d’un logo ornant le frigobox, permettant de témoigner du souci du connaisseur -ou, au contraire, de l’expert en « maître-achat ». Mais nulle part ce dandysme ne s’exprime-t-il mieux que dans le choix de la serviette sur laquelle venir se reposer après avoir barboté avec plus ou moins d’enthousiasme dans l’eau chaude de la mer. Car si la serviette, comme le parasol ou le transat, possède une nature géographique, servant à délimiter un espace propre à l’intérieur d’un espace impropre, elle a aussi pour double fonction d’essuyer le corps mouillé, et d’éviter que trop de sable ne vienne s’y coller. Pour accomplir ces différentes tâches, la serviette doit présenter plusieurs traits: une certaine capacité d’absorption, une taille proportionnée à celle de son propriétaire et une composition qui permette la création d’une légère isolation par rapport à la chaleur de la plage elle-même. Choisir la bonne serviette témoigne donc de la virtuosité du plagiste, du caractère habituel ou circonstanciel de sa fréquentation des lieux, de son sens pratique -ou, au contraire, de son dédain pour les considérations de pure utilité. Bref, plus que tout autre accessoire, la serviette définit le plagiste. Ou plutôt: elle définit le type de relation à la plage qu’entretient le plagiste: fascinée, obstinée, passagère, rapide, de fond, ludique, improvisée, etc. Elle incarne en quelque sorte la décoration intérieure de l’espèce de maison provisoire que constitue l’installation de plage -à la fois manifeste esthétique et signe de ce qui compte et de ce qui ne compte pas pour son propriétaire. Plus que le maillot, c’est la serviette qui est le vrai vêtement du plagiste.

Chaque semaine, le pop philosophe Laurent de Sutter arpente le bord de mer et dissèque les objets indispensables des vacances.

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